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À PROPOS DE "HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE RÉCENTE"

ENTRETIEN AVEC LAURENT POITRENAUX

Publié le 20/05/2020

Depuis le début du confinement, le comédien Laurent Poitrenaux a lu et enregistré chaque jour un chapitre de Histoire de la littérature récente (Éd. POL), vaste et riche essai de son complice l’auteur Olivier Cadiot.

Comment s’est imposée cette envie de lire chaque jour un extrait du livre d’Olivier Cadiot ?

 

Très vite, Arthur Nauzyciel a souhaité maintenir un lien avec le public du TNB. Et très vite, s’est imposé à moi le texte d’Olivier Cadiot. C’est mon auteur, celui que j’ai eu la chance de rencontrer dans ma vie d’acteur. Je pensais que le confinement durerait longtemps. Aussi je me suis dit qu’il faudrait tenir au long cours, mais sans lasser les gens qui seraient, forcément, très sollicités sur internet par une multitude de propositions.

 

J’ai donc opté pour Histoire de la littérature récente parce que les chapitres ne sont pas trop longs. Ils sont comme des cartes postales littéraires d’Olivier. À déguster comme une goutte de parfum qu’on se met derrière l’oreille. Entre mon amour de ces textes, leur format juste et leur contenu, l’alchimie était la bonne. 61 chapitres sont donc désormais en ligne, parmi lesquels, 5 qui ont été enregistrés par Olivier lui-même.

 

« Entre mon amour de ces textes, leur format juste et leur contenu, l’alchimie était la bonne »

Ton lien à l’écriture et l’univers d’Olivier Cadiot est ancien. Il passait jusqu’ici par la scène. Tu as joué dans Le Colonel des zouaves, Retour définitif et durable de l’être aimé, Un mage en été (des spectacles mis en scène par Ludovic Lagarde). Mais lire n’est pas dire. Et l’essai d’Olivier Cadiot, même s’il prend des libertés avec une rigueur « scientifique »  n’est pas de même nature qu’une fiction. Que t’a appris cet exercice ?

 

Lorsque Histoire de la littérature récente a été publié, ce n’était évidemment pas un projet de théâtre. Je voulais pourtant le faire entendre. C’est un objet que j’ai fait à ma main, une chose à moi, légère, que j’ai déployée au cours de lectures dans certains théâtres ou des bibliothèques avant le confinement. Une aventure entre Olivier et moi. J’avais donc, avec cet essai, une familiarité de lecteur en public.

 

Ensuite, sur un plan personnel, l’exercice de la lecture a été fondamental pour mon maintien psychologique. Ce rendez-vous quotidien est apparu dans mes journées comme une balise. Le confinement était un immense désert et moi, j’avais mon étoile polaire. Elle m’a permis de garder le cap avec rigueur, dans un moment où la confusion entre privé et professionnel mélangeait tout et où nos repères volaient en éclats.

 

Cet exercice a impliqué une discipline. Avais-tu besoin de retrouver cette discipline, et, au fond, d’entretenir ton muscle ?

 

Il y avait sans doute de cela aussi. Comme les sportifs, nous devons entretenir notre outil. La lecture, c’est notre vélo d’appartement pour maintenir l’outil, entretenir notre rapport à l’imaginaire, à la diction, même si, bien sûr, il n’y pas, comme sur un plateau, l’exultation du corps. Mais c’est une façon d’éviter que la bête ne se rouille. De continuer, à minima, à faire tourner le moteur. Je suis convaincu que cette période de jachère qu’ont traversée les comédiens et qui les a contraints à réfléchir et rêver autrement les verra repartir d’autant plus fort lorsqu’ils retrouveront les plateaux.

« L’image, qui a inondé internet, est épuisante. Elle appauvrit la parole, réduit l’écoute... Le son, l’audio laissent une liberté à celui qui écoute. Il conserve un espace entre la voix et l’écoute »

 

Pourquoi avoir choisi l’audio et non la vidéo ?

 

L’image, qui a inondé internet, est épuisante. Elle appauvrit la parole, réduit l’écoute. L’œil est toujours plus fort que l’oreille. Intuitivement j’ai refusé l’image. Le son, l’audio laissent une liberté à celui qui écoute. Il conserve un espace entre la voix et l’écoute.

 

Pour conclure, je voudrais évoquer l’École du TNB que tu diriges, aux côtés d’Arthur Nauzyciel, directeur du TNB et directeur de l’École du TNB. Quel lien avez-vous noué avec les élèves pendant le confinement ?

 

Avec Arthur Nauzyciel, Ronan Martin (Directeur des études) et Gwendoline Affilié (adjointe à la direction des études), nous avons sollicité les intervenants pour poursuivre le travail. Tout le monde a été très réactif. Pendant deux mois et demi, nous avons inventé une école 2.0, avec, par exemple, des conférences par Zoom. Mohamed El Khatib a commencé un projet avec les élèves. Gisèle Vienne, Adèle Haenel, Emmanuelle Lafon sont intervenues sur des ateliers. J’ai travaillé sur Proust (mais j’éteignais les écrans !). Le lien n’a jamais été rompu. Au-delà des situations individuelles (le confinement a été plus ou moins complexe pour les uns et les autres), nous avons été au bout des possibilités. Les intervenants, incroyablement inventifs, ont su rebondir. Et les élèves se sont montrés exemplaires à un moment où travailler n’était pas si simple.

 

Depuis hier (2 juin), le travail au plateau a repris, dans le respect des règles sanitaires. Nous avons besoin d’être ensemble et il n’était pas question de les lâcher jusqu’en septembre. Six mois d’arrêt, c’est trop long ! Lorsque je vois de quelle manière l’imaginaire (même s’il y a été contraint) s’est développé chez eux, je suis persuadé que cette étape va faire germer des choses inattendues, dans le jeu et leur rapport à l’écriture.

 

— Propos recueillis par Joëlle Gayot, journaliste et collaboratrice du TNB

 

(Ré)écoutez les 61 chapitres lus par Laurent Poitrenaux et Olivier Cadiot :

 

 

Photos Laurent Poitrenaux © Pascal Gely / Olivier Cadiot © Hélène Bamberger, POL

 
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ENTRETIEN AVEC LAURENT POITRENAUX

Depuis le début du confinement, le comédien Laurent Poitrenaux a lu et enregistré chaque jour un chapitre de Histoire de la littérature récente (Éd. POL), vaste et riche essai de son complice l’auteur Olivier Cadiot.

À PROPOS DE "HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE RÉCENTE"

ENTRETIEN AVEC LAURENT POITRENAUX

Publié le 20/05/2020

Depuis le début du confinement, le comédien Laurent Poitrenaux a lu et enregistré chaque jour un chapitre de Histoire de la littérature récente (Éd. POL), vaste et riche essai de son complice l’auteur Olivier Cadiot.

Comment s’est imposée cette envie de lire chaque jour un extrait du livre d’Olivier Cadiot ?

 

Très vite, Arthur Nauzyciel a souhaité maintenir un lien avec le public du TNB. Et très vite, s’est imposé à moi le texte d’Olivier Cadiot. C’est mon auteur, celui que j’ai eu la chance de rencontrer dans ma vie d’acteur. Je pensais que le confinement durerait longtemps. Aussi je me suis dit qu’il faudrait tenir au long cours, mais sans lasser les gens qui seraient, forcément, très sollicités sur internet par une multitude de propositions.

 

J’ai donc opté pour Histoire de la littérature récente parce que les chapitres ne sont pas trop longs. Ils sont comme des cartes postales littéraires d’Olivier. À déguster comme une goutte de parfum qu’on se met derrière l’oreille. Entre mon amour de ces textes, leur format juste et leur contenu, l’alchimie était la bonne. 61 chapitres sont donc désormais en ligne, parmi lesquels, 5 qui ont été enregistrés par Olivier lui-même.

 

« Entre mon amour de ces textes, leur format juste et leur contenu, l’alchimie était la bonne »

Ton lien à l’écriture et l’univers d’Olivier Cadiot est ancien. Il passait jusqu’ici par la scène. Tu as joué dans Le Colonel des zouaves, Retour définitif et durable de l’être aimé, Un mage en été (des spectacles mis en scène par Ludovic Lagarde). Mais lire n’est pas dire. Et l’essai d’Olivier Cadiot, même s’il prend des libertés avec une rigueur « scientifique »  n’est pas de même nature qu’une fiction. Que t’a appris cet exercice ?

 

Lorsque Histoire de la littérature récente a été publié, ce n’était évidemment pas un projet de théâtre. Je voulais pourtant le faire entendre. C’est un objet que j’ai fait à ma main, une chose à moi, légère, que j’ai déployée au cours de lectures dans certains théâtres ou des bibliothèques avant le confinement. Une aventure entre Olivier et moi. J’avais donc, avec cet essai, une familiarité de lecteur en public.

 

Ensuite, sur un plan personnel, l’exercice de la lecture a été fondamental pour mon maintien psychologique. Ce rendez-vous quotidien est apparu dans mes journées comme une balise. Le confinement était un immense désert et moi, j’avais mon étoile polaire. Elle m’a permis de garder le cap avec rigueur, dans un moment où la confusion entre privé et professionnel mélangeait tout et où nos repères volaient en éclats.

 

Cet exercice a impliqué une discipline. Avais-tu besoin de retrouver cette discipline, et, au fond, d’entretenir ton muscle ?

 

Il y avait sans doute de cela aussi. Comme les sportifs, nous devons entretenir notre outil. La lecture, c’est notre vélo d’appartement pour maintenir l’outil, entretenir notre rapport à l’imaginaire, à la diction, même si, bien sûr, il n’y pas, comme sur un plateau, l’exultation du corps. Mais c’est une façon d’éviter que la bête ne se rouille. De continuer, à minima, à faire tourner le moteur. Je suis convaincu que cette période de jachère qu’ont traversée les comédiens et qui les a contraints à réfléchir et rêver autrement les verra repartir d’autant plus fort lorsqu’ils retrouveront les plateaux.

« L’image, qui a inondé internet, est épuisante. Elle appauvrit la parole, réduit l’écoute... Le son, l’audio laissent une liberté à celui qui écoute. Il conserve un espace entre la voix et l’écoute »

 

Pourquoi avoir choisi l’audio et non la vidéo ?

 

L’image, qui a inondé internet, est épuisante. Elle appauvrit la parole, réduit l’écoute. L’œil est toujours plus fort que l’oreille. Intuitivement j’ai refusé l’image. Le son, l’audio laissent une liberté à celui qui écoute. Il conserve un espace entre la voix et l’écoute.

 

Pour conclure, je voudrais évoquer l’École du TNB que tu diriges, aux côtés d’Arthur Nauzyciel, directeur du TNB et directeur de l’École du TNB. Quel lien avez-vous noué avec les élèves pendant le confinement ?

 

Avec Arthur Nauzyciel, Ronan Martin (Directeur des études) et Gwendoline Affilié (adjointe à la direction des études), nous avons sollicité les intervenants pour poursuivre le travail. Tout le monde a été très réactif. Pendant deux mois et demi, nous avons inventé une école 2.0, avec, par exemple, des conférences par Zoom. Mohamed El Khatib a commencé un projet avec les élèves. Gisèle Vienne, Adèle Haenel, Emmanuelle Lafon sont intervenues sur des ateliers. J’ai travaillé sur Proust (mais j’éteignais les écrans !). Le lien n’a jamais été rompu. Au-delà des situations individuelles (le confinement a été plus ou moins complexe pour les uns et les autres), nous avons été au bout des possibilités. Les intervenants, incroyablement inventifs, ont su rebondir. Et les élèves se sont montrés exemplaires à un moment où travailler n’était pas si simple.

 

Depuis hier (2 juin), le travail au plateau a repris, dans le respect des règles sanitaires. Nous avons besoin d’être ensemble et il n’était pas question de les lâcher jusqu’en septembre. Six mois d’arrêt, c’est trop long ! Lorsque je vois de quelle manière l’imaginaire (même s’il y a été contraint) s’est développé chez eux, je suis persuadé que cette étape va faire germer des choses inattendues, dans le jeu et leur rapport à l’écriture.

 

— Propos recueillis par Joëlle Gayot, journaliste et collaboratrice du TNB

 

(Ré)écoutez les 61 chapitres lus par Laurent Poitrenaux et Olivier Cadiot :

 

 

Photos Laurent Poitrenaux © Pascal Gely / Olivier Cadiot © Hélène Bamberger, POL

 
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