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JOURNAL DE CRÉATION "MES FRÈRES"

APRÈS LA COVID

Publié le 08/11/2020

En raison du confinement, la création de Mes frères d'Arthur Nauzyciel, initialement prévue à Rennes en juin 2020, a dû être différée. La première du spectacle a eu lieu en septembre au Théâtre national de la Colline à Paris.

En raison du confinement, la création de Mes frères d'Arthur Nauzyciel, initialement prévue à Rennes en juin 2020, a dû être différée. La première du spectacle a eu lieu en septembre au Théâtre national de la Colline à Paris. Au-delà du report des représentations, la situation que vient de vivre la planète toute entière a croisé, et de manière troublante, le propos de Pascal Rambert. Pour Arthur Nauzyciel, il n’était pas possible de faire comme si rien n’avait eu lieu. Mise au point, par le metteur en scène, post premier confinement quant à l’impact de ce réel dévastateur sur sa lecture et sur sa mise en scène.

 

« Des répliques, qui auraient sans doute, il y a quelques semaines encore, été entendues de manière plus ou moins distante ou abstraite, nous parviennent aujourd’hui davantage. Nos traversées intimes des 2 mois écoulés les rendent plus perceptibles. Certaines phrases résonnent plus fort. Notamment celles qui renvoient à la solitude. À cet isolement que nous avons traversé et qui est aussi le sort des personnages de la pièce de Pascal Rambert. Cela concerne donc les acteurs mais aussi les spectateurs. Nous avons tous été touchés. 

 

Cette expérience commune, collective et à grande échelle, va probablement agir sur la réception de la pièce. L’enfermement des frères, qui pouvait passer pour une idée ou une situation que les acteurs auraient dû « jouer » en puisant dans leur imaginaire, est devenu concret. Nous ne sommes plus dans l’intellect, nous sommes dans le sensible. Nous avons tous vécu cette sensation d’être aux confins du monde, confinés à demeure. Nous n’avons plus à imaginer l’enfer de cette situation, nous l’avons côtoyée. La violence liée à l’enfermement ne nous est plus étrangère. Et nous savons que le public l’entendra lui aussi.

« Le texte futuriste et animiste vibre de cette rencontre avec une sorte d’actualité, ce qui lui donne une épaisseur nouvelle, créée par le contexte et le moment de sa création » 

Lorsqu’il y a un an, j’ai lu la pièce de Pascal Rambert, je l’ai aimée parce qu’elle était « hors sol ». Elle touchait à quelque chose qui est de l’ordre du mythe ou du conte. À une époque où le théâtre cherche plus que jamais à s’emparer de l’actualité, j’aimais cette possibilité de retrouver sur scène, de l’inconscient et de l’onirique. Quand j’ai commencé à faire du théâtre, on était acteur pour échapper au réel par la fiction et la poésie. Aujourd’hui, on fait du théâtre pour être dans le réel, le reproduire sur scène, en répéter les mots, la pensée, les images. Et finalement, ce réel nous a rattrapés et le texte futuriste et animiste vibre de cette rencontre avec une sorte « d’actualité », ce qui lui donne une épaisseur nouvelle, créée par le contexte et le moment de sa création.

 

Il est vrai qu’il est question de la violence que des hommes exercent quotidiennement sur une femme qui en se vengeant, venge toutes les femmes. Et aussi de la manière dont cette violence s’exerce sur la nature, les animaux, sur notre environnement, c’est-à-dire sur le vivant. Ce que nous avons vécu ces derniers mois a donné une hyper présence à ces préoccupations qui ont occupé le terrain médiatique. Le réel a propulsé dans un questionnement contemporain une pièce, qui il y a 2 ans, était un rituel futuriste, l’invention d’un monde à venir. En réalité, le texte de Pascal Rambert était visionnaire. Cela en dit long sur l’art, sa résonnance avec son temps mais aussi son intemporalité. C’est la force du théâtre, de la fiction. L’art qui change le monde, le fait être, le fait advenir.

 

Cette concordance, cette conjonction entre fiction et réalité vont changer ma mise en scène. Je ne sais pas encore comment, puisque je travaille dans le présent de la répétition. Je m’y prépare donc, je me prépare à abandonner des choses et en découvrir d’autres. Je pensais ainsi aller plus loin physiquement dans les actions réalistes, comme les combats entre les frères, travailler à la proximité des corps, alors que d’habitude j’installe de la distance entre les corps, un désir, une tension inassouvie. Mais entre les règles sanitaires et l’envie d’échapper au réalisme, il m’est difficile de dire si nous pourrons aller au corps à corps ou à une forme de stylisation des actions, du mouvement, sur laquelle je travaille depuis toujours dans mes spectacles.

 

J’aime bien sûr l’idée que le confinement et les interrogations sur le monde « d’après » rapprochent le texte des spectateurs, mais j’espère que cela ne fera pas écran à ce qu’est cette pièce traversée par de grands mythes, j'aimerais conserver à Mes frères cette dimension fondamentale sur laquelle je veux travailler : il s’agit, avant tout, d’un rituel païen, métaphysique et troublant, très mélancolique, violent, qui a une grande universalité, puise sa source dans les origines de l’humanité, mais qui est aussi porteur d'une drôlerie macabre, d'une fantaisie, et d'un lâcher prise assez inédits dans l’écriture de Pascal Rambert. »

 

– Propos d’Arthur Nauzyciel recueillis par Joëlle Gayot, le 25 juin 2020

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En raison du confinement, la création de Mes frères d'Arthur Nauzyciel, initialement prévue à Rennes en juin 2020, a dû être différée. La première du spectacle a eu lieu en septembre au Théâtre national de la Colline à Paris.

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APRÈS LA COVID

Publié le 08/11/2020

En raison du confinement, la création de Mes frères d'Arthur Nauzyciel, initialement prévue à Rennes en juin 2020, a dû être différée. La première du spectacle a eu lieu en septembre au Théâtre national de la Colline à Paris.

En raison du confinement, la création de Mes frères d'Arthur Nauzyciel, initialement prévue à Rennes en juin 2020, a dû être différée. La première du spectacle a eu lieu en septembre au Théâtre national de la Colline à Paris. Au-delà du report des représentations, la situation que vient de vivre la planète toute entière a croisé, et de manière troublante, le propos de Pascal Rambert. Pour Arthur Nauzyciel, il n’était pas possible de faire comme si rien n’avait eu lieu. Mise au point, par le metteur en scène, post premier confinement quant à l’impact de ce réel dévastateur sur sa lecture et sur sa mise en scène.

 

« Des répliques, qui auraient sans doute, il y a quelques semaines encore, été entendues de manière plus ou moins distante ou abstraite, nous parviennent aujourd’hui davantage. Nos traversées intimes des 2 mois écoulés les rendent plus perceptibles. Certaines phrases résonnent plus fort. Notamment celles qui renvoient à la solitude. À cet isolement que nous avons traversé et qui est aussi le sort des personnages de la pièce de Pascal Rambert. Cela concerne donc les acteurs mais aussi les spectateurs. Nous avons tous été touchés. 

 

Cette expérience commune, collective et à grande échelle, va probablement agir sur la réception de la pièce. L’enfermement des frères, qui pouvait passer pour une idée ou une situation que les acteurs auraient dû « jouer » en puisant dans leur imaginaire, est devenu concret. Nous ne sommes plus dans l’intellect, nous sommes dans le sensible. Nous avons tous vécu cette sensation d’être aux confins du monde, confinés à demeure. Nous n’avons plus à imaginer l’enfer de cette situation, nous l’avons côtoyée. La violence liée à l’enfermement ne nous est plus étrangère. Et nous savons que le public l’entendra lui aussi.

« Le texte futuriste et animiste vibre de cette rencontre avec une sorte d’actualité, ce qui lui donne une épaisseur nouvelle, créée par le contexte et le moment de sa création » 

Lorsqu’il y a un an, j’ai lu la pièce de Pascal Rambert, je l’ai aimée parce qu’elle était « hors sol ». Elle touchait à quelque chose qui est de l’ordre du mythe ou du conte. À une époque où le théâtre cherche plus que jamais à s’emparer de l’actualité, j’aimais cette possibilité de retrouver sur scène, de l’inconscient et de l’onirique. Quand j’ai commencé à faire du théâtre, on était acteur pour échapper au réel par la fiction et la poésie. Aujourd’hui, on fait du théâtre pour être dans le réel, le reproduire sur scène, en répéter les mots, la pensée, les images. Et finalement, ce réel nous a rattrapés et le texte futuriste et animiste vibre de cette rencontre avec une sorte « d’actualité », ce qui lui donne une épaisseur nouvelle, créée par le contexte et le moment de sa création.

 

Il est vrai qu’il est question de la violence que des hommes exercent quotidiennement sur une femme qui en se vengeant, venge toutes les femmes. Et aussi de la manière dont cette violence s’exerce sur la nature, les animaux, sur notre environnement, c’est-à-dire sur le vivant. Ce que nous avons vécu ces derniers mois a donné une hyper présence à ces préoccupations qui ont occupé le terrain médiatique. Le réel a propulsé dans un questionnement contemporain une pièce, qui il y a 2 ans, était un rituel futuriste, l’invention d’un monde à venir. En réalité, le texte de Pascal Rambert était visionnaire. Cela en dit long sur l’art, sa résonnance avec son temps mais aussi son intemporalité. C’est la force du théâtre, de la fiction. L’art qui change le monde, le fait être, le fait advenir.

 

Cette concordance, cette conjonction entre fiction et réalité vont changer ma mise en scène. Je ne sais pas encore comment, puisque je travaille dans le présent de la répétition. Je m’y prépare donc, je me prépare à abandonner des choses et en découvrir d’autres. Je pensais ainsi aller plus loin physiquement dans les actions réalistes, comme les combats entre les frères, travailler à la proximité des corps, alors que d’habitude j’installe de la distance entre les corps, un désir, une tension inassouvie. Mais entre les règles sanitaires et l’envie d’échapper au réalisme, il m’est difficile de dire si nous pourrons aller au corps à corps ou à une forme de stylisation des actions, du mouvement, sur laquelle je travaille depuis toujours dans mes spectacles.

 

J’aime bien sûr l’idée que le confinement et les interrogations sur le monde « d’après » rapprochent le texte des spectateurs, mais j’espère que cela ne fera pas écran à ce qu’est cette pièce traversée par de grands mythes, j'aimerais conserver à Mes frères cette dimension fondamentale sur laquelle je veux travailler : il s’agit, avant tout, d’un rituel païen, métaphysique et troublant, très mélancolique, violent, qui a une grande universalité, puise sa source dans les origines de l’humanité, mais qui est aussi porteur d'une drôlerie macabre, d'une fantaisie, et d'un lâcher prise assez inédits dans l’écriture de Pascal Rambert. »

 

– Propos d’Arthur Nauzyciel recueillis par Joëlle Gayot, le 25 juin 2020

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