Théâtre National de Bretagne
Direction Arthur Nauzyciel

L’APPARITION AU CONDITIONNEL DE "FLORENCE & MOUSTAFA"
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L’APPARITION AU CONDITIONNEL DE "FLORENCE & MOUSTAFA"

PAR JOËLLE GAYOT

Si vous aviez été convié·e·s à la noce de Florence & Moustafa, comme il était prévu le 21 novembre à 17 h au TNB, vous auriez vu ce que vont voir les lycéens et lycéennes qui, contrairement à vous, sont toujours invité·e·s car, si le spectacle n’a plus accès aux salles traditionnelles, il est (et c’est heureux) toujours autorisé dans les établissements scolaires en présence d’un public exclusivement composé des élèves concerné·e·s.

Le maître de cérémonie s’appelle Guillaume Vincent. C’est à lui qu’on doit les épousailles de 2 jeunes gens qui ne savent rien l’un de l’autre mais vont apprendre en l’espace d’une courte représentation à mieux se connaître.

 

Florence et Moustafa ne sont pas nés ex nihilo de l’imagination de leur metteur en scène. Tous les 2 proviennent en droite ligne d’un texte mythique qui obsède l’artiste depuis plusieurs années : Les Contes des Mille et Une Nuits. Ce sont donc bien des contes que se racontent les fiancé·e·s, livrant d’eux-mêmes, de leur passé, de leurs fantasmes ou de leurs corps des choses jamais avouées. Une fois passé le premier toast (car vous auriez trinqué si vous aviez été présent·e·s) les dés sont jetés et la parole qui s’emballe ne se déclame pas. Elle se dit au présent.

 

« Le conte n’est pas un monologue » affirme Guillaume Vincent pour qui le partenaire essentiel de cette aventure débridée est le public, à qui l’acteur s’adresse en variant ses intensités selon le calme (ou pas) de l’assemblée. Si la salle est joyeuse, la noce n’en sera que plus heureuse. Si le·la spectateur·rice fait la tête, le mariage sera moins à la fête. Tout cela, c’est une affaire de porosité, de qualité de rencontre entre les interprètes et leurs témoins qui, même assis·e·s posément sur leurs sièges, colorent de leurs humeurs l’humeur de la représentation. D’où l’excitation de Guillaume Vincent à l’idée de jouer devant des lycéen·ne·s : « Ont-ils envie de ce cadeau ? »

 

Vous ne serez pas là, quel dommage, pour vérifier si le défi sera relevé. Vous n’assisterez pas à cet exercice de voltige sur le dos d’un théâtre qu’éperonneront en free-style des improvisations. Cette représentation puisée dans le fantastique des Mille et Une Nuits déroulera sans vous en 45 minutes chrono le précipité de ce qui forge ce texte universel : sa poésie, son épique, sa grivoiserie, son humour, sa capacité à s’affranchir des limites spatio-temporelles. Sa folle fantaisie. Et puis, bien sûr, son noyau dur : l’amour. Lequel libère les personnages de leurs enfermements, car, conclut un poil étonné, Guillaume Vincent : « Avec le confinement, nous nous sommes rendu·e·s compte que la plupart des héros et héroïnes des Mille et Une Nuits étaient des êtres séquestré·e·s. »

 

Il ne vous reste donc plus qu’à espérer que vos enfants vous racontent le spectacle. Si ils et elles le font, ce sera par eux et elles, leurs paroles, leurs émotions que vos imaginaires seront « déconfinés » et que le théâtre viendra à vous qui ne pouviez venir à lui.

 

— Joëlle Gayot