Théâtre National de Bretagne
Direction Arthur Nauzyciel

L’APPARITION AU CONDITIONNEL DE "FILMS FANTÔMES"
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L’APPARITION AU CONDITIONNEL DE "FILMS FANTÔMES"

par Joëlle Gayot

« Bonjour » aurait dit Albin de La Simone, si vous étiez rentré·e·s comme prévu le 11 novembre à 15 h dans la salle Parigot. 

Après quoi, cet auteur-compositeur-interprète vous aurait raconté le pourquoi du comment de son spectacle Films fantômes, le concept du projet (faire exister des films que vous ne verrez jamais mais qui prennent place se prélassent se dilatent dans les tréfonds de votre cerveau), la genèse de ce projet, c’était il y a longtemps (près de 12 ans pour être précis), son envie, à lui qui écrivait des chansons mais qui venait du jazz, de renouer avec une musique instrumentale, le besoin qui s’était alors imposé de s’inventer des histoires pour parvenir à composer leurs bandes-son.

 

Et puisque cet artiste est joueur, malicieux, créatif, il vous aurait sans doute expliqué que, la musique existant et l’histoire également, il s’était dit 12 ans auparavant qu’il fallait pousser plus loin la duperie : faire de l’histoire fantasmée le synopsis d’un film, concevoir l’affiche de ce film, provoquer la critique de ce film, le tout ne reposant que sur du vent et du sable puisque rien, absolument rien de tout ce que vous auriez dû entendre dans la salle le 11 novembre à 15 h n’a de réalité concrète et d’existence matérielle.

 

Albin de la Simone aurait convoqué sur la scène des musiciens et 2 acteurs. Ils auraient tous ensemble décliné la liste des films imaginaires, leurs titres arborés aux formes de mondes possibles : Chat, une comédie surréaliste / Le Serpent du lac, un drame psychologique / La Chance de leur vie, une comédie de mœurs / La Sixième ombre, un film policier / la Meute de Calder, un thriller / Libertar ! un documentaire / Président, une satire politique / Totem, une comédie d’aventure et Klounas, un drame.

Pour ce dernier long métrage, Klounas, vous auriez vu surgir à l’écran l’impérial comédien André Wilms, filmé dans les rues de Vilnius et y déprimant sec parce qu’à Vilnius, il n’y avait pas, se serait plaint Wilms le maestro, de filles aux longues jambes que l’on admire du coin de l’oeil en vagabondant dans la ville. 

 

Vous auriez ainsi voyagé de super productions américaines en cinéma d’auteur français, vous auriez rempli les points de suspension qu’aurait pris soin d’aménager pour vous Albin de la Simone, vous auriez fabriqué à partir de ses indications la toile d’araignée des 9 scénarios et vous seriez (qui sait ?) à votre tour, et sans jamais quitter votre siège, devenu·e·s Martin Scorsese, Sofia Coppola, François Truffaut, Coline Serreau, Pedro Almodovar ou Céline Sciamma, bref, vous auriez manipulé en votre for intérieur des travellings, des plans séquences, des plans fixes, des zooms et des panoramiques, navigué entre extérieur jour et intérieur nuit, toujours hors champ et pourtant immergé dedans de pied en cap.

Oui, vous auriez cosigné avec Albin de la Simone la réalisation tumultueuse et collective de 9 films fantômes.

— Joëlle Gayot

 

Scénario de La Chance de leur vie, envoyé par mail le 9 novembre par Albin de La Simone

 

« 1969, quelque part en Normandie. Françoise, jeune journaliste perdue dans ses pensées, rentre de Londres dans sa DS cabriolet. Elle roule à gauche mais n'en a pas conscience. Au même instant, Bruno, golden boy au bout du rouleau, parcourt la même route des falaises, ivre mort. Il roule à gauche pour provoquer le destin. Françoise et Bruno se croisent à pleine vitesse, à contresens. Le choc n'est pas physique mais psychologique. Bouleversée, Françoise fait demi-tour pour retrouver Bruno...

 

2010, Paris. Étienne Carreau reçoit une lettre que sa mère lui a adressée avant de mourir. »