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À PROPOS DE "MAILLES"

ENTRETIEN AVEC DOROTHÉE MUNYANEZA

Publié le 18/01/2021

— RÉPARER LES VIVANTS —

Interview réalisée pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB, avec la chorégraphe et chanteuse Dorothée Munyaneza, à propos de Mailles, initialement programmé en novembre 2020 en partenariat avec l'Opéra de Rennes. Pour sa troisième pièce, Dorothée Munyaneza réunit des femmes africaines et afro-descendantes de tous les continents pour tisser une mémoire et une conscience communes.

Mailles est présenté comme un spectacle choral. Comment l’avez-vous conçu ?

 

Dorothée Munyaneza — Je cherchais à faire entendre une parole qui ne soit plus seulement autobiographique et qui mêle d’autres récits. Samedi détente évoquait ce qu’on a vécu pendant le génocide contre les Tutsis en 1994. Unwanted s’ouvrait aux voix des rescapées du génocide et de femmes témoignant contre le viol comme arme de guerre. Le fait de voyager pour jouer ces spectacles m’a donné l’immense privilège de rencontrer des artistes femmes dans plusieurs pays. Elles m’ont marquée et inspirée par leur parcours artistique, leur engagement politique, leurs implications quotidiennes. Sur ce projet, on échange beaucoup sur les ruptures et la possibilité de se remettre de ces blessures. L’acte créatif est déjà un début de réparation.

« L’acte créatif est déjà un début de réparation »

Le titre est-il aussi lié à votre collaboration avec l’artiste Stéphanie Coudert, qui réalise les costumes ?


J’avais envie de toucher la tenue, considérée comme une deuxième peau. L’habit peut nous donner une appartenance, une certaine réconciliation avec soi-même et son histoire. Stéphanie pense le vêtement comme une impossible mue et, en même temps, comme un volume que l’on peut habiter et occuper. Elle pense chaque femme qui est sur le plateau comme singulière et nos tenues peuvent se transmettre de femme en femme comme  des récits, aussi bien intimes qu’universels.

 

© Leslie Artamonow

 

Qui sont ces femmes ?


L’artiste Hlengiwe Lushaba Madlala est à la source de mon envie de rassembler ces femmes, mais, à cause de la Covid, elle et deux autres artistes n’ont pu nous rejoindre. Nido Uwera, danseuse rwandaise et burundaise basée à Paris, est notre doyenne. Yinka Esi Graves est une très grande danseuse de flamenco. D’origine jamaïcaine et ghanéenne, elle a vécu à Londres, à Cuba, en Guadeloupe et elle est maintenant installée à Séville. La poétesse Asmaa Jama, dont les parents viennent de Somalie, est née au Danemark et vit en Angleterre. Elle décrit ce que c’est que d’être somalienne, noire, musulmane et artiste, dans un milieu rigide. Elsa Mulder, danseuse contemporaine, est née en Ethiopie et a été adoptée à 5 ans par des parents néerlandais. Ife Day est haïtienne, performeuse et danseuse, elle est explosive et travaille dans l’urgence et l’incertitude permanente.

« Ce qui m’intéresse avec ces femmes, c’est qu’elles sont polyglottes, très conscientes de leurs origines... Elles sont puissantes et fragiles, et c’est cette beauté que j’ai envie de célébrer »

Ce qui m’intéresse avec ces femmes, c’est qu’elles sont polyglottes, très conscientes de leurs origines et à une place très riche : celle de la rencontre  des continents, des genres, des histoires. Elles sont puissantes et fragiles, et c’est cette beauté que j’ai envie de célébrer à travers Mailles.

 

Comme on échange en anglais, en français et en kinyarwanda, j’utilise beaucoup le verbe “to remember”, se souvenir en français. Si on coupe le mot en deux, il évoque aussi le fait de remettre les membres ensemble. On a été démembrées à un moment, il y a eu une rupture historique, ancestrale, et aujourd’hui sur le plateau, on rassemble “tous les enfants dispersés”, pour reprendre le titre du livre de Beata Umubyeyi Mairesse, une autrice franco-rwandaise que j’aime beaucoup. A travers la convocation de la mémoire, du corps sur un espace précis, le plateau, je maille de nouveaux membres pour rebondir et continuer.

 

 Propos recueillis par Fabienne Arvers

 supplément des Inrocks consacré au Festival TNB, octobre 2020

 

Le Magazine du TNB

— RÉPARER LES VIVANTS —

Interview réalisée pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB, avec la chorégraphe et chanteuse Dorothée Munyaneza, à propos de Mailles, initialement programmé en novembre 2020 en partenariat avec l'Opéra de Rennes. Pour sa troisième pièce, Dorothée Munyaneza réunit des femmes africaines et afro-descendantes de tous les continents pour tisser une mémoire et une conscience communes.

À PROPOS DE "MAILLES"

ENTRETIEN AVEC DOROTHÉE MUNYANEZA

Publié le 18/01/2021

— RÉPARER LES VIVANTS —

Interview réalisée pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB, avec la chorégraphe et chanteuse Dorothée Munyaneza, à propos de Mailles, initialement programmé en novembre 2020 en partenariat avec l'Opéra de Rennes. Pour sa troisième pièce, Dorothée Munyaneza réunit des femmes africaines et afro-descendantes de tous les continents pour tisser une mémoire et une conscience communes.

Mailles est présenté comme un spectacle choral. Comment l’avez-vous conçu ?

 

Dorothée Munyaneza — Je cherchais à faire entendre une parole qui ne soit plus seulement autobiographique et qui mêle d’autres récits. Samedi détente évoquait ce qu’on a vécu pendant le génocide contre les Tutsis en 1994. Unwanted s’ouvrait aux voix des rescapées du génocide et de femmes témoignant contre le viol comme arme de guerre. Le fait de voyager pour jouer ces spectacles m’a donné l’immense privilège de rencontrer des artistes femmes dans plusieurs pays. Elles m’ont marquée et inspirée par leur parcours artistique, leur engagement politique, leurs implications quotidiennes. Sur ce projet, on échange beaucoup sur les ruptures et la possibilité de se remettre de ces blessures. L’acte créatif est déjà un début de réparation.

« L’acte créatif est déjà un début de réparation »

Le titre est-il aussi lié à votre collaboration avec l’artiste Stéphanie Coudert, qui réalise les costumes ?


J’avais envie de toucher la tenue, considérée comme une deuxième peau. L’habit peut nous donner une appartenance, une certaine réconciliation avec soi-même et son histoire. Stéphanie pense le vêtement comme une impossible mue et, en même temps, comme un volume que l’on peut habiter et occuper. Elle pense chaque femme qui est sur le plateau comme singulière et nos tenues peuvent se transmettre de femme en femme comme  des récits, aussi bien intimes qu’universels.

 

© Leslie Artamonow

 

Qui sont ces femmes ?


L’artiste Hlengiwe Lushaba Madlala est à la source de mon envie de rassembler ces femmes, mais, à cause de la Covid, elle et deux autres artistes n’ont pu nous rejoindre. Nido Uwera, danseuse rwandaise et burundaise basée à Paris, est notre doyenne. Yinka Esi Graves est une très grande danseuse de flamenco. D’origine jamaïcaine et ghanéenne, elle a vécu à Londres, à Cuba, en Guadeloupe et elle est maintenant installée à Séville. La poétesse Asmaa Jama, dont les parents viennent de Somalie, est née au Danemark et vit en Angleterre. Elle décrit ce que c’est que d’être somalienne, noire, musulmane et artiste, dans un milieu rigide. Elsa Mulder, danseuse contemporaine, est née en Ethiopie et a été adoptée à 5 ans par des parents néerlandais. Ife Day est haïtienne, performeuse et danseuse, elle est explosive et travaille dans l’urgence et l’incertitude permanente.

« Ce qui m’intéresse avec ces femmes, c’est qu’elles sont polyglottes, très conscientes de leurs origines... Elles sont puissantes et fragiles, et c’est cette beauté que j’ai envie de célébrer »

Ce qui m’intéresse avec ces femmes, c’est qu’elles sont polyglottes, très conscientes de leurs origines et à une place très riche : celle de la rencontre  des continents, des genres, des histoires. Elles sont puissantes et fragiles, et c’est cette beauté que j’ai envie de célébrer à travers Mailles.

 

Comme on échange en anglais, en français et en kinyarwanda, j’utilise beaucoup le verbe “to remember”, se souvenir en français. Si on coupe le mot en deux, il évoque aussi le fait de remettre les membres ensemble. On a été démembrées à un moment, il y a eu une rupture historique, ancestrale, et aujourd’hui sur le plateau, on rassemble “tous les enfants dispersés”, pour reprendre le titre du livre de Beata Umubyeyi Mairesse, une autrice franco-rwandaise que j’aime beaucoup. A travers la convocation de la mémoire, du corps sur un espace précis, le plateau, je maille de nouveaux membres pour rebondir et continuer.

 

 Propos recueillis par Fabienne Arvers

 supplément des Inrocks consacré au Festival TNB, octobre 2020

 

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