Théâtre National de Bretagne
Direction Arthur Nauzyciel
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Publié le 12/10/2022
Critique réalisée pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2022, à propos de Lavagem de Alice Ripoll, du 24 au 26 novembre.
La chorégraphe brésilienne Alice Ripoll observe un monde en mouvement, le sien.
"Le plus important, c’est de connecter les gens. Je suis une grande oreille qui écoute”, confiait Alice Ripoll lors de notre première rencontre. On a repensé à ces quelques mots en découvrant – dans le désordre – une poignée de ses créations. aCORdo ou Cria. Puis Lavagem, un choc. Le parcours même de la chorégraphe parle pour elle – ou d’elle. En effet, Alice Ripoll a commencé des études de psychanalyse avant de prendre la tangente. Ce sera la danse, une autre façon d’ausculter les âmes à travers les corps. Mais elle compte approcher ce monde à sa manière, arpenter de nouveaux territoires de la création contemporaine, se frotter aux danses de la rue. À l’image de cette dancinha, que Ripoll s’emploie à détourner. La chorégraphe s’investit dans deux collectifs, REC et Suave, avec des projets singuliers. Ainsi, Alice Ripoll croisa son expérience avec celle d’une ONG locale, montant en 2007 le projet à l’origine de REC. Des garçons issus de favelas de Rio de Janeiro, amateurs de hip-hop, portés par la force de conviction de Ripoll. aCORdo, découvert il y a quelque temps en France, est le fruit de cette collaboration.
Alice Ripoll affirme ne pas créer les mouvements : “Ils viennent des danseurs.” Il y a dans cette déclaration une modestie autant qu’une générosité. L’une et l’autre sont à l’oeuvre dans Lavagem, stupéfiant opus. Une bâche bleue, des seaux et des peaux. Sur lesquelles mousse et bulles de savon glissent. La poésie visuelle cède peu à peu la place à un discours plus politique. Car ces corps au labeur sont ceux des travailleur·euses de l’ombre, ceux d’un rituel candomblé. À moins que ce ne soit le corps blanchi par le racisme ambiant d’un président d’extrême droite, Bolsonaro. Lavagem laisse ouvertes toutes les interprétations.
Alice Ripoll, dans le sillage de ses aînées Christiane Jatahy ou Lia Rodrigues, fait entendre sa voix. Peu aidée dans son pays, elle entend porter une autre parole, émancipatrice, au-delà. Lavagem est un manifeste à sa manière. Au plus près des spectateurs et spectatrices, il déploie des sortilèges insoupçonnés. Dans sa note de présentation, Alice Ripoll, attentive au sens, écrit que “Lavagem dévoile un passé ancestral rempli de luttes, mais aussi de secrets sur la joie et la gaieté”. Encore et toujours un (grand) écart entre la fiction et la réalité, la peur et l’espoir.
— Critique de Philippe Noisette, septembre 2022
© Renato Mangolin
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Critique réalisée pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2022, à propos de Lavagem de Alice Ripoll, du 24 au 26 novembre.
Publié le 12/10/2022
Critique réalisée pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2022, à propos de Lavagem de Alice Ripoll, du 24 au 26 novembre.
La chorégraphe brésilienne Alice Ripoll observe un monde en mouvement, le sien.
"Le plus important, c’est de connecter les gens. Je suis une grande oreille qui écoute”, confiait Alice Ripoll lors de notre première rencontre. On a repensé à ces quelques mots en découvrant – dans le désordre – une poignée de ses créations. aCORdo ou Cria. Puis Lavagem, un choc. Le parcours même de la chorégraphe parle pour elle – ou d’elle. En effet, Alice Ripoll a commencé des études de psychanalyse avant de prendre la tangente. Ce sera la danse, une autre façon d’ausculter les âmes à travers les corps. Mais elle compte approcher ce monde à sa manière, arpenter de nouveaux territoires de la création contemporaine, se frotter aux danses de la rue. À l’image de cette dancinha, que Ripoll s’emploie à détourner. La chorégraphe s’investit dans deux collectifs, REC et Suave, avec des projets singuliers. Ainsi, Alice Ripoll croisa son expérience avec celle d’une ONG locale, montant en 2007 le projet à l’origine de REC. Des garçons issus de favelas de Rio de Janeiro, amateurs de hip-hop, portés par la force de conviction de Ripoll. aCORdo, découvert il y a quelque temps en France, est le fruit de cette collaboration.
Alice Ripoll affirme ne pas créer les mouvements : “Ils viennent des danseurs.” Il y a dans cette déclaration une modestie autant qu’une générosité. L’une et l’autre sont à l’oeuvre dans Lavagem, stupéfiant opus. Une bâche bleue, des seaux et des peaux. Sur lesquelles mousse et bulles de savon glissent. La poésie visuelle cède peu à peu la place à un discours plus politique. Car ces corps au labeur sont ceux des travailleur·euses de l’ombre, ceux d’un rituel candomblé. À moins que ce ne soit le corps blanchi par le racisme ambiant d’un président d’extrême droite, Bolsonaro. Lavagem laisse ouvertes toutes les interprétations.
Alice Ripoll, dans le sillage de ses aînées Christiane Jatahy ou Lia Rodrigues, fait entendre sa voix. Peu aidée dans son pays, elle entend porter une autre parole, émancipatrice, au-delà. Lavagem est un manifeste à sa manière. Au plus près des spectateurs et spectatrices, il déploie des sortilèges insoupçonnés. Dans sa note de présentation, Alice Ripoll, attentive au sens, écrit que “Lavagem dévoile un passé ancestral rempli de luttes, mais aussi de secrets sur la joie et la gaieté”. Encore et toujours un (grand) écart entre la fiction et la réalité, la peur et l’espoir.
— Critique de Philippe Noisette, septembre 2022
© Renato Mangolin
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