Théâtre National de Bretagne
Direction Arthur Nauzyciel
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Publié le 11/10/2022
Critique réalisée pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2022, à propos de (La bande à) Laura de Gaëlle Bourges, du 24 au 26 novembre.
L’Olympia d’Édouard Manet méritait bien un spectacle pour revenir sur l’histoire d’une toile qui fit scandale et rendre grâce à ses modèles. Gaëlle Bourges leur donne la parole dans (La bande à) Laura.
Revisitant le discours sur l’art en réconciliant la plus étayée des éruditions avec l’humour et la sensualité, Gaëlle Bourges construit, de spectacle en spectacle, les salles d’un musée imaginaire où il fait bon déambuler, en se laissant porter par l’exigence de sa fantaisie éclairante. Chorégraphe et metteuse en scène à l’éclectisme sans pareil, elle nous a déjà guidé·es dans les grottes préhistoriques avec Revoir Lascaux et s’est prise au jeu de décrypter les arcanes de la tapisserie de La Dame à la licorne dans À mon seul désir. N’hésitant pas à prendre parti dans OVTR (On va tout rendre), elle s’est indignée des pillages commis à l’Acropole d’Athènes, en rappelant le destin contrarié de la sixième cariatide de l’Érechthéion, sciée et envoyée à Londres, et le tour de passe-passe du démontage des frises et des métopes du Parthénon, dont la moitié n’est visible qu’au British Museum.
Après un scandale sans précédent lors de sa première présentation au Salon de 1865, la toile d’Édouard Manet Olympia est considérée aujourd’hui comme un chef-d’œuvre. Avec (La bande à) Laura, Gaëlle Bourges mène l’enquête sur les idées reçues qui ont transformé l’hommage du peintre à la Vénus d’Urbin du Titien en une déclaration de guerre à l’art de son époque. Ce faisant, et comme les attaques visaient aussi la qualité des 2 femmes représentées sur la toile, Gaëlle Bourges défend les engagements de Victorine Meurent (Olympia) et de Laure (la camériste noire) dont on ne connaît que le prénom. En rebaptisant Laure en Laura pour la faire figurer en haut de l’affiche, elle ramène au premier plan la figure de celle qui était probablement une esclave affranchie en lui offrant un nom de déesse rimant avec Olympia. S’identifiant à celles qui posaient pour les peintres, la metteuse en scène se souvient de l’époque où elle travaillait dans un cabaret érotique… Là, les filles qui dansaient nues étaient nommées “les modèles”. Du modèle du peintre au modèle qu’elle fut, Gaëlle Bourges renverse la perspective d’un art asservi au désir masculin en un acte de libération qui autorise les femmes à user de leur corps comme elles l’entendent.
— Critique de Patrick Sourd, septembre 2022
© Danielle Voirin
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Critique réalisée pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2022, à propos de (La bande à) Laura de Gaëlle Bourges, du 24 au 26 novembre.
Publié le 11/10/2022
Critique réalisée pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2022, à propos de (La bande à) Laura de Gaëlle Bourges, du 24 au 26 novembre.
L’Olympia d’Édouard Manet méritait bien un spectacle pour revenir sur l’histoire d’une toile qui fit scandale et rendre grâce à ses modèles. Gaëlle Bourges leur donne la parole dans (La bande à) Laura.
Revisitant le discours sur l’art en réconciliant la plus étayée des éruditions avec l’humour et la sensualité, Gaëlle Bourges construit, de spectacle en spectacle, les salles d’un musée imaginaire où il fait bon déambuler, en se laissant porter par l’exigence de sa fantaisie éclairante. Chorégraphe et metteuse en scène à l’éclectisme sans pareil, elle nous a déjà guidé·es dans les grottes préhistoriques avec Revoir Lascaux et s’est prise au jeu de décrypter les arcanes de la tapisserie de La Dame à la licorne dans À mon seul désir. N’hésitant pas à prendre parti dans OVTR (On va tout rendre), elle s’est indignée des pillages commis à l’Acropole d’Athènes, en rappelant le destin contrarié de la sixième cariatide de l’Érechthéion, sciée et envoyée à Londres, et le tour de passe-passe du démontage des frises et des métopes du Parthénon, dont la moitié n’est visible qu’au British Museum.
Après un scandale sans précédent lors de sa première présentation au Salon de 1865, la toile d’Édouard Manet Olympia est considérée aujourd’hui comme un chef-d’œuvre. Avec (La bande à) Laura, Gaëlle Bourges mène l’enquête sur les idées reçues qui ont transformé l’hommage du peintre à la Vénus d’Urbin du Titien en une déclaration de guerre à l’art de son époque. Ce faisant, et comme les attaques visaient aussi la qualité des 2 femmes représentées sur la toile, Gaëlle Bourges défend les engagements de Victorine Meurent (Olympia) et de Laure (la camériste noire) dont on ne connaît que le prénom. En rebaptisant Laure en Laura pour la faire figurer en haut de l’affiche, elle ramène au premier plan la figure de celle qui était probablement une esclave affranchie en lui offrant un nom de déesse rimant avec Olympia. S’identifiant à celles qui posaient pour les peintres, la metteuse en scène se souvient de l’époque où elle travaillait dans un cabaret érotique… Là, les filles qui dansaient nues étaient nommées “les modèles”. Du modèle du peintre au modèle qu’elle fut, Gaëlle Bourges renverse la perspective d’un art asservi au désir masculin en un acte de libération qui autorise les femmes à user de leur corps comme elles l’entendent.
— Critique de Patrick Sourd, septembre 2022
© Danielle Voirin
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GAËLLE BOURGES
(LA BANDE À) LAURA