Théâtre National de Bretagne
Direction Arthur Nauzyciel

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FESTIVAL TNB X LES INROCKS

ENTRETIEN AVEC ARTHUR NAUZYCIEL

Publié le 10/10/2022

 

Entretien réalisé pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2022, avec Arthur Nauzyciel, metteur en scène, comédien et directeur du TNB.

Arthur Nauzyciel, directeur du Théâtre National de Bretagne, a placé cette édition sous le signe de la transmission et de la rencontre avec les artistes, en miroir de notre histoire contemporaine.

« Transmettre un art de l'éphémère »

Comment avez-vous conçu cette édition ?

 

Arthur Nauzyciel — J’aime penser le Festival comme un précipité et une chambre d’écho de ce qui se raconte au cours de l’année dans le théâtre. On y découvre des créateurs reconnus ou à découvrir et des propositions venant des artistes associés au TNB. En se déployant sur deux semaines, le Festival multiplie les offres pour prendre la forme d’un creuset d’excitation dédié au spectacle vivant.

 

C’est un parcours qui s’inscrit sur un territoire élargi.

 

Effectivement, beaucoup de spectacles sont présentés hors les murs du TNB grâce aux liens tissés avec les institutions qui partagent avec nous leur inscription sur le territoire rennais. Le Festival se construit autour de nos propositions et dans le dialogue avec nos partenaires. C’est un événement partagé, ce qui provoque un effet de synergie et un regain d’attractivité pour le public. Cela participe aussi du plaisir du spectateur d’être amené à circuler d’une scène à l’autre pour découvrir des lieux qui ne lui sont pas familiers.

 

Vous souhaitez mettre l’accent sur la notion de transmission.

« Un festival ne peut se réduire à un temps fort de consommation culturelle »

Le Festival est un précipité de notre saison, il rassemble de nombreuses disciplines artistiques, des artistes français et internationaux. Cette édition, majoritairement féminine, accorde une place importante à la jeunesse et à la transmission. Par exemple, on pourra y découvrir les premières mises en scènes de quatre jeunes créatrices. Mais je pense par ailleurs qu’un festival ne peut se réduire à un temps fort de consommation culturelle. J’ai voulu qu’à travers une série de workshops et de masterclass on élargisse la focale en permettant au public, aux étudiants et aux jeunes professionnels d’aller plus loin avec les artistes durant le Festival. C’est ce que nous allons organiser avec Guy Cassiers, Latifa Laâbissi et Théo Mercier. L’enjeu me semble d’autant plus important qu’on est dans une époque où le flux continu du virtuel a tendance à supplanter la rencontre et l’échange de personne à personne. Être confronté au processus de travail d’un artiste est souvent une opportunité pour trouver sa propre voie. Il me semble important d’organiser ces moments de travail commun entre de grandes figures du théâtre ou de la danse et de jeunes artistes au début de leurs parcours. Afin de transmettre une pratique d’autant plus fragile qu’elle est artisanale et éphémère.

 

L’autre souhait est d’imaginer le Festival en miroir de notre histoire contemporaine.

 

Je pense à Yannick Haenel qui propose, avec Marie-Sophie Ferdane, une lecture de son livre Notre solitude, consacré à l’écriture de ses chroniques lors du procès des attentats contre Charlie Hebdo. Mais je pourrais aussi évoquer Robyn Orlin qui revient sur son enfance en Afrique du Sud au temps de l’apartheid, ou Victor de Oliveira, qui renoue avec ses origines en questionnant son statut de citoyen portugais métis né au Mozambique. Positionner une histoire personnelle en comparaison de l’histoire de la société dans laquelle on vit ouvre à une forme d’universalité… C’est aussi une manière de faire tomber les frontières et les préjugés sur l’autre.

« Positionner une histoire personnelle en comparaison de l’histoire de la société dans laquelle on vit »

 

Comme metteur en scène, vous présentez La Ronde, d’Arthur Schnitzler, avec la troupe du Théâtre national de Prague.

 

J’ai été heureux de répondre à l’invitation du Théâtre national de Prague. J’ai relu La Ronde au sortir du premier confinement. Dans La Ronde, les rapports amoureux forment une chaîne humaine en impliquant des couples de toutes les classes sociales. Arthur Schnitzler était médecin, sa pièce parle métaphoriquement d’une crise sanitaire en suivant le parcours d’une contagion par la syphilis, qui touche la société de son temps. Constater que le “monde d’après” est une version grimaçante du “monde d’avant” rend cette œuvre d’autant plus pertinente en regard de la montée des extrêmes aujourd’hui. Arthur Schnitzler était juif, La Ronde a été l’un des premiers textes brûlés par les nazis. De son vivant, l’auteur avait dû interdire les représentations de sa pièce régulièrement attaquée par les ligues antisémites. J’ai décidé de mettre en avant l’oralité du texte. Schnitzler écrivait “les paroles sont tout car nous n’avons rien d’autre”. Souhaitant donner la première place au langage, j’ai confié la version en tchèque à Pavel Novotný, un jeune traducteur-poète, pour que ce qui tourne dans La Ronde soit aussi lié à la musicalité de la langue. La satisfaction du désir et la peur de la mort sont au cœur de cette quête frénétique du plaisir qui anime les protagonistes ; on ne saurait mieux condenser les obsessions de notre époque.

 

— Propos recueillis par Patrick Sourd, septembre 2022

 

 

Photo © Petr Neubert

 

Le Magazine du TNB

 

Entretien réalisé pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2022, avec Arthur Nauzyciel, metteur en scène, comédien et directeur du TNB.

FESTIVAL TNB X LES INROCKS

ENTRETIEN AVEC ARTHUR NAUZYCIEL

Publié le 10/10/2022

 

Entretien réalisé pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2022, avec Arthur Nauzyciel, metteur en scène, comédien et directeur du TNB.

Arthur Nauzyciel, directeur du Théâtre National de Bretagne, a placé cette édition sous le signe de la transmission et de la rencontre avec les artistes, en miroir de notre histoire contemporaine.

« Transmettre un art de l'éphémère »

Comment avez-vous conçu cette édition ?

 

Arthur Nauzyciel — J’aime penser le Festival comme un précipité et une chambre d’écho de ce qui se raconte au cours de l’année dans le théâtre. On y découvre des créateurs reconnus ou à découvrir et des propositions venant des artistes associés au TNB. En se déployant sur deux semaines, le Festival multiplie les offres pour prendre la forme d’un creuset d’excitation dédié au spectacle vivant.

 

C’est un parcours qui s’inscrit sur un territoire élargi.

 

Effectivement, beaucoup de spectacles sont présentés hors les murs du TNB grâce aux liens tissés avec les institutions qui partagent avec nous leur inscription sur le territoire rennais. Le Festival se construit autour de nos propositions et dans le dialogue avec nos partenaires. C’est un événement partagé, ce qui provoque un effet de synergie et un regain d’attractivité pour le public. Cela participe aussi du plaisir du spectateur d’être amené à circuler d’une scène à l’autre pour découvrir des lieux qui ne lui sont pas familiers.

 

Vous souhaitez mettre l’accent sur la notion de transmission.

« Un festival ne peut se réduire à un temps fort de consommation culturelle »

Le Festival est un précipité de notre saison, il rassemble de nombreuses disciplines artistiques, des artistes français et internationaux. Cette édition, majoritairement féminine, accorde une place importante à la jeunesse et à la transmission. Par exemple, on pourra y découvrir les premières mises en scènes de quatre jeunes créatrices. Mais je pense par ailleurs qu’un festival ne peut se réduire à un temps fort de consommation culturelle. J’ai voulu qu’à travers une série de workshops et de masterclass on élargisse la focale en permettant au public, aux étudiants et aux jeunes professionnels d’aller plus loin avec les artistes durant le Festival. C’est ce que nous allons organiser avec Guy Cassiers, Latifa Laâbissi et Théo Mercier. L’enjeu me semble d’autant plus important qu’on est dans une époque où le flux continu du virtuel a tendance à supplanter la rencontre et l’échange de personne à personne. Être confronté au processus de travail d’un artiste est souvent une opportunité pour trouver sa propre voie. Il me semble important d’organiser ces moments de travail commun entre de grandes figures du théâtre ou de la danse et de jeunes artistes au début de leurs parcours. Afin de transmettre une pratique d’autant plus fragile qu’elle est artisanale et éphémère.

 

L’autre souhait est d’imaginer le Festival en miroir de notre histoire contemporaine.

 

Je pense à Yannick Haenel qui propose, avec Marie-Sophie Ferdane, une lecture de son livre Notre solitude, consacré à l’écriture de ses chroniques lors du procès des attentats contre Charlie Hebdo. Mais je pourrais aussi évoquer Robyn Orlin qui revient sur son enfance en Afrique du Sud au temps de l’apartheid, ou Victor de Oliveira, qui renoue avec ses origines en questionnant son statut de citoyen portugais métis né au Mozambique. Positionner une histoire personnelle en comparaison de l’histoire de la société dans laquelle on vit ouvre à une forme d’universalité… C’est aussi une manière de faire tomber les frontières et les préjugés sur l’autre.

« Positionner une histoire personnelle en comparaison de l’histoire de la société dans laquelle on vit »

 

Comme metteur en scène, vous présentez La Ronde, d’Arthur Schnitzler, avec la troupe du Théâtre national de Prague.

 

J’ai été heureux de répondre à l’invitation du Théâtre national de Prague. J’ai relu La Ronde au sortir du premier confinement. Dans La Ronde, les rapports amoureux forment une chaîne humaine en impliquant des couples de toutes les classes sociales. Arthur Schnitzler était médecin, sa pièce parle métaphoriquement d’une crise sanitaire en suivant le parcours d’une contagion par la syphilis, qui touche la société de son temps. Constater que le “monde d’après” est une version grimaçante du “monde d’avant” rend cette œuvre d’autant plus pertinente en regard de la montée des extrêmes aujourd’hui. Arthur Schnitzler était juif, La Ronde a été l’un des premiers textes brûlés par les nazis. De son vivant, l’auteur avait dû interdire les représentations de sa pièce régulièrement attaquée par les ligues antisémites. J’ai décidé de mettre en avant l’oralité du texte. Schnitzler écrivait “les paroles sont tout car nous n’avons rien d’autre”. Souhaitant donner la première place au langage, j’ai confié la version en tchèque à Pavel Novotný, un jeune traducteur-poète, pour que ce qui tourne dans La Ronde soit aussi lié à la musicalité de la langue. La satisfaction du désir et la peur de la mort sont au cœur de cette quête frénétique du plaisir qui anime les protagonistes ; on ne saurait mieux condenser les obsessions de notre époque.

 

— Propos recueillis par Patrick Sourd, septembre 2022

 

 

Photo © Petr Neubert

 

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