Théâtre National de Bretagne
Direction Arthur Nauzyciel

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ÉTUDIANT·E NOMADE

HORTENSE EN ITALIE

Publié le 12/03/2024

 

En séjour d’étude ou en stage, la mobilité internationale des élèves fait partie intégrante de leur cursus de formation. 

À l’image du projet artistique du TNB, l’École du TNB développe un projet pédagogique résolument ouvert sur l’international : invitations d’artistes-pédagogues étrangers, échanges internationaux à l’occasion de workshops… mais aussi séjours individuels à l’étranger en 3e année de formation. 

 

Cette semaine, suivez Hortense à Rome, au Conservatoire Santa-Cecilia.

 

| Peux-tu nous présenter la structure dans laquelle tu es et ce que tu y fais ?

 

Je suis étudiante dans le cursus de chant lyrique du Conservatoire Santa-Cecilia de Rome. J’ai intégré pour 3 mois la classe de la Maestra Michela Sburlati, une pédagogue de l’école du Bel Canto italien.

 

| Pourquoi avoir choisi cette destination ?

 

Pour l’impudeur, le temps étrange. Pour les ruines botoxées. Pour trouver une voix. Pour chercher quelqu’un.

 

| Ton expérience change-t-elle ton point de vue sur l'écosystème culturel français ?

 

Je pense qu’ici, on perçoit très frontalement la lutte intestine entre le passé et le présent. Comment s’affranchir, comment respirer, qu’y-a-t-il d’autre après ? S’observer pour toujours ou agir, c’est peut-être l’enjeu d’une civilisation. Chant du Cygne/Signe. Place aux nouvelles peaux.

 


© Dora Pentchev

 

| Qu'est-ce que cette expérience t'apporte en tant qu'artiste ?

 

Je voulais changer de discipline, m’éloigner des mots, chercher la vérité ailleurs, l’équilibre entre la représentation et la chute. La scène des chanteuses ressemble à la nôtre, mais les enjeux sont ailleurs ; c’est peut-être un point de rencontre étonnant entre la performance et la fiction. Masque, Opéra, Clown, sont autant de façons de retrouver toujours les mêmes personnages emblématiques d’une espèce humaine un peu triste dessinée aux crayons gras, couleurs primaires : archétypes rassurants ; on reconnaît Carmen, Juliette, Zerlina.

 

Pourtant, ici j’apprends que chercher techniquement un son lyrique implique autre chose, quelque-chose que je ne comprends pas. Dans le Bel Canto comme l’enseigne la Sburlati, il n’y a plus vraiment de ventre, de bouche ni de visage : il y a le dos, la colonne vertébrale qui s’élève pour que le son résonne jusqu’à la dernière vertèbre, le squelette, et puis la chair. Le son vient de derrière soi et nous traverse ; on ne peut pas l’entendre parce qu’il est trop fort ; quand on le manifeste il ressemble au hurlement d’un nouveau-né, au râle d’une agonie, c’est un son qui gifle et console ; c’est un son qui ne nous appartient pas. Quand il arrive, le corps est chaud. Peut-être que les mots mentent : tous les mots mentent ; mais le son est un rempart au mensonge. Le son est peut-être l’incarnation absolue du temps présent. Le son est un soulagement spirituel, surtout quand il est moche.

 

| Un moment marquant depuis ton arrivée ?

 

J’ai pris un bus pour aller à Tivoli. J’ai dû me tromper un peu, c’était un bus qui s’arrêtait 268 fois dans toute la banlieue romaine avant d’arriver à Tivoli. Les énormes complexes avaient des noms comme « LAS VEGAS », et vendaient le vieux rêve américain des années 1970. La fille en face de moi était exaspérée. Elle avait des ongles longs qui rayaient son écran. Elle écoutait de la variété italienne des années 2010 sur haut-parleur. D’un bout à l’autre du bus, il y avait une conversation dont je ne saurais spécifier la teneur, à l’embouchure du divorce et de la rencontre, séparée par 7 mètres. Peut-être était-ce ma conversation.

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En séjour d’étude ou en stage, la mobilité internationale des élèves fait partie intégrante de leur cursus de formation. 

ÉTUDIANT·E NOMADE

HORTENSE EN ITALIE

Publié le 12/03/2024

 

En séjour d’étude ou en stage, la mobilité internationale des élèves fait partie intégrante de leur cursus de formation. 

À l’image du projet artistique du TNB, l’École du TNB développe un projet pédagogique résolument ouvert sur l’international : invitations d’artistes-pédagogues étrangers, échanges internationaux à l’occasion de workshops… mais aussi séjours individuels à l’étranger en 3e année de formation. 

 

Cette semaine, suivez Hortense à Rome, au Conservatoire Santa-Cecilia.

 

| Peux-tu nous présenter la structure dans laquelle tu es et ce que tu y fais ?

 

Je suis étudiante dans le cursus de chant lyrique du Conservatoire Santa-Cecilia de Rome. J’ai intégré pour 3 mois la classe de la Maestra Michela Sburlati, une pédagogue de l’école du Bel Canto italien.

 

| Pourquoi avoir choisi cette destination ?

 

Pour l’impudeur, le temps étrange. Pour les ruines botoxées. Pour trouver une voix. Pour chercher quelqu’un.

 

| Ton expérience change-t-elle ton point de vue sur l'écosystème culturel français ?

 

Je pense qu’ici, on perçoit très frontalement la lutte intestine entre le passé et le présent. Comment s’affranchir, comment respirer, qu’y-a-t-il d’autre après ? S’observer pour toujours ou agir, c’est peut-être l’enjeu d’une civilisation. Chant du Cygne/Signe. Place aux nouvelles peaux.

 


© Dora Pentchev

 

| Qu'est-ce que cette expérience t'apporte en tant qu'artiste ?

 

Je voulais changer de discipline, m’éloigner des mots, chercher la vérité ailleurs, l’équilibre entre la représentation et la chute. La scène des chanteuses ressemble à la nôtre, mais les enjeux sont ailleurs ; c’est peut-être un point de rencontre étonnant entre la performance et la fiction. Masque, Opéra, Clown, sont autant de façons de retrouver toujours les mêmes personnages emblématiques d’une espèce humaine un peu triste dessinée aux crayons gras, couleurs primaires : archétypes rassurants ; on reconnaît Carmen, Juliette, Zerlina.

 

Pourtant, ici j’apprends que chercher techniquement un son lyrique implique autre chose, quelque-chose que je ne comprends pas. Dans le Bel Canto comme l’enseigne la Sburlati, il n’y a plus vraiment de ventre, de bouche ni de visage : il y a le dos, la colonne vertébrale qui s’élève pour que le son résonne jusqu’à la dernière vertèbre, le squelette, et puis la chair. Le son vient de derrière soi et nous traverse ; on ne peut pas l’entendre parce qu’il est trop fort ; quand on le manifeste il ressemble au hurlement d’un nouveau-né, au râle d’une agonie, c’est un son qui gifle et console ; c’est un son qui ne nous appartient pas. Quand il arrive, le corps est chaud. Peut-être que les mots mentent : tous les mots mentent ; mais le son est un rempart au mensonge. Le son est peut-être l’incarnation absolue du temps présent. Le son est un soulagement spirituel, surtout quand il est moche.

 

| Un moment marquant depuis ton arrivée ?

 

J’ai pris un bus pour aller à Tivoli. J’ai dû me tromper un peu, c’était un bus qui s’arrêtait 268 fois dans toute la banlieue romaine avant d’arriver à Tivoli. Les énormes complexes avaient des noms comme « LAS VEGAS », et vendaient le vieux rêve américain des années 1970. La fille en face de moi était exaspérée. Elle avait des ongles longs qui rayaient son écran. Elle écoutait de la variété italienne des années 2010 sur haut-parleur. D’un bout à l’autre du bus, il y avait une conversation dont je ne saurais spécifier la teneur, à l’embouchure du divorce et de la rencontre, séparée par 7 mètres. Peut-être était-ce ma conversation.

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Cette immersion de 3 mois dans un pays étranger peut prendre différentes formes : séjour d’étude dans une école ou une université partenaire, ou stage...
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