Théâtre National de Bretagne
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À PROPOS DE "UNE SAISON À L'ÉCOLE"

ENTRETIEN AVEC ARTHUR NAUZYCIEL & LAURENT POITRENAUX

Publié le 15/01/2020

 

Entretien réalisé par les élèves de la promotion 10 de l'École du TNB en janvier 2020

En janvier 2018 – alors encore candidats au concours du TNB – nous répondions aux questions d’un dossier de création, sésame pour passer les portes du 1er tour. Aujourd’hui, 2 ans après, à la veille d’entamer une étape fondamentale de notre formation avec Une saison à l’École, nous avons décidé, à notre tour, de leur poser quelques questions sur le projet et de les inviter à retourner sur les traces des jeunes acteurs, artistes qu’ils étaient à notre âge…

 

Vous disiez que, avec le TNB, vous construisiez l’École que vous auriez rêvé de faire. Alors notre 1re question, ce serait cela : À notre âge, comment auriez-vous reçu le projet Une saison à l’École ? Quelles auraient été vos peurs, doutes, rêves, à la veille d’une telle aventure ?


LAURENT : Je crois que cela aurait été un mélange de trac intense et de joie pure. Trac de ne pas être à la hauteur, mais joie pure de pouvoir vivre une telle aventure, de m’y confronter. Je crois que j’aurais aussi été touché, à travers tout le travail à fournir autour des spectacles, que l’on fasse confiance à ma capacité d’autonomie, de réflexion, de rêverie, de créativité, pas simplement sur un plateau mais aussi au-delà. Et puis savoir que ce projet puisse exister dans l’École, dans cette salle du Paradis que j’aime tant, m’aurait donné de la force. C’est comme inviter des gens chez soi pour une belle fête.

 


ARTHUR : Je n’aurais pas compris. J’étais très jeune à l’école, je n’avais pas fait de cours précédemment et je ne savais pas que j’allais être acteur, j’étais rentré à l’école de Vitez un peu sur un malentendu. Je voulais réaliser des films. Alors je pense que je m’y serais donné à fond, avec enthousiasme et naïveté, et que probablement l’exercice m’aurait été profitable, justement pour ces raisons. Parce que je n’aurais pas essayé de répondre à une demande « a priori » mais que j’aurais essayé de donner le meilleur de moi-même. Et j’aurais compris bien plus tard ce que ça m’aurait apporté. Ça se serait fait aussi aux prix d’une certaine souffrance probablement : la peur de ne pas convaincre, de ne pas être « bon ». Des inquiétudes dont on a du mal à se débarrasser de toute façon. Je ne pense pas que j’aurais vécu cela comme une fête, dans la joie, contrairement à Laurent. Je serais sûrement passé à côté de ce sentiment pourtant essentiel. Mais plus aujourd’hui. Aujourd’hui il n’y a plus que ça qui m’intéresse.

 

Puisqu'Une saison à l’École va nous confronter à la réalité du métier, à l’injonction d’être « au rendez-vous » chaque soir et de « refaire », c’est un peu une manière de nous « professionnaliser » avant l’heure ? À partir de quel moment, en tant qu’acteur, en tant qu’artiste, vous vous êtes senti « professionnel » ?

Faire ce métier prend toute la vie, se glisse dans le moindre interstice de nos journées

LAURENT : Cette notion de « professionnel » est surtout renvoyée par l’extérieur, par les tutelles administratives, par les autres. Je ne me suis jamais pensé ainsi car derrière cette notion il y aurait comme la certitude d’être « arrivé », alors que notre art est fait avant tout d’incertitudes. Ce que je sais c’est que je suis sur un chemin, que sur ce chemin j’apprends des choses et en désapprends d’autres, que j’ai pu acquérir quelques outils, quelques savoirs au fil du temps, que c’est un chemin de vie, où le doute est le maître mot. Peut-on être « professionnel » de la vie ? Faire ce métier prend toute la vie, se glisse dans le moindre interstice de nos journées, ce terme est donc trop aride et réducteur pour rendre compte de la complexité de notre art. Ce projet d’Une saison à l'École n’est pas pour moi une manière de vous professionnaliser avant l’heure, mais plutôt l’occasion de vous faire éprouver, dans une démarche qui reste pédagogique, cette question de la réitération qui est au cœur de notre art.


ARTHUR : Laurent a raison sur la démarche. Comment refaire ? Comment être au rendez-vous ? Se préparer à être entièrement mobilisé, corps et âme, soir après soir ? Comment faire avec ce que l’on a vécu dans la journée ? Comment se préparer à tenir sur la durée, sur plusieurs jours ou semaines, parfois des mois, les contraintes et les nécessités de ce travail chaque soir réitéré devant des gens ? Un travail à la fois technique, politique, spirituel, poétique. Je ne sais pas si c’est ça être professionnel, mais il y a quelque chose de ça : être capable, quoi qu’il arrive, de donner le meilleur de soi-même dans le cadre défini par la mise en scène, de donner au public l’impression que ce qui se passe, se passe pour la 1re fois, de donner tout simplement, se donner soi. Être professionnel c’est peut-être arriver à se rendre disponible à cela, à se préparer pour ce moment-là. Les notions de « métier », de « technique », ou d’expériences, peuvent être des réponses à la question du professionnalisme. Pour moi, le professionnalisme a à voir avec la fiabilité. La confiance. Un·e acteur·rice professionnel·le, c’est, en tant que metteur en scène, quelqu’un sur qui je peux compter, qui va se sentir responsable du bon déroulement et de l’exigence de la représentation. C’est un état d’esprit. Même si je me suis senti professionnel le jour où je me suis inscrit aux Assedic et ai rempli mes premières déclarations. C’est assez triste quand on y pense, mais je comprends la dimension symbolique de cet acte.

 

Aujourd’hui, en tant que directeur et directeur pédagogique, quels sont vos objectifs pour ce projet ?

Une saison à l’École est l’occasion d’apprendre à travailler, devant du public. On ne livre pas un résultat fini devant le public. On travaille devant et avec lui. 

LAURENT : Nous avons pensé votre cursus comme une fusée à 3 étages, pour vous propulser dans les meilleures conditions possibles dans « l’après-école ». Après une 1re année dite « secrète », un laboratoire, où il n’y avait pas – où il ne devait pas y avoir – de souci de résultat, il nous a semblé important que cette 2e année commence à vous ouvrir vers l’extérieur, mais de manière encore protégée, au sein de l’école, dans votre antre du 4e étage. La 3e année poursuivra cette ouverture, en l’élargissant même, avec le projet de séjour à l’étranger, entre autres. Mais en ce qui concerne plus précisément ce projet d’ Une saison à l’École, il s’agissait aussi de vous permettre, au sein de votre formation, d’éprouver le fait de retraverser soir après soir une même création, devant un public différent chaque soir, et sur une assez longue période. Cet aspect est souvent ignoré dans les écoles, ou alors ne se produit que tardivement, lors du spectacle de sortie, et nous pensions qu’il était primordial que vous puissiez vous confronter le plus tôt possible à cette problématique. Le fait de vivre cette expérience au milieu de votre cursus vous libèrera d’une certaine pression qui déplace souvent les enjeux pédagogiques lors d’un spectacle de sortie. Vous pourrez mieux, me semble-t-il, en dégager des outils pour le futur.


ARTHUR : Justement, pour que ce ne soit pas un spectacle de sortie, que l’on aborde en étant déjà « ailleurs » dans sa tête, en général. Le moment du spectacle de sortie déplace quelque chose dans les comportements, l’imaginaire. Une saison à l’École est l’occasion d’apprendre à travailler, devant du public. C’est comprendre cet état. On ne livre pas un résultat fini devant le public. On travaille devant et avec lui. On ne présuppose pas du résultat, on ne cherche pas à séduire. C’est le problème des spectacles des sorties qui ne viennent pas révéler le meilleur des gens, à mon avis. Au contraire, ça encourage la performance, la compétition. Apprendre la mise au travail, sans cesse renouvelée, devant des spectateurs, indépendamment des questions de reconnaissance et de résultat, c’est une force. C’est cela, l’idée importante, c’est qu’il n’y a pas d’obligation de résultat. Là, nous créons les conditions pour vous mettre à l’épreuve de ce métier, par l’expérience réelle, mais dans un contexte qui reste pédagogique. On apprend par l’erreur, le ratage, et là nous vous encourageons à faire le plus d’erreurs possibles, à tomber souvent. Ce serait plus problématique dans un contexte professionnel évidemment, parce qu’il y aura un contrat, un engagement, un salaire, pour répondre à une demande, une attente. Ne pas arriver à bien travailler aura plus de conséquences, alors que dans le cadre d’Une saison à l’École, c’est, au contraire, formateur. Bien sûr, dans le contexte professionnel aussi – et souvent on est mécontent de son travail – mais c’est autre chose, c’est le besoin de continuer à évoluer et de se remettre en question. On apprend toujours de ses erreurs à l’école comme en dehors. L’exercice justement c’est d’apprendre à apprendre de ses erreurs. Ça servira toujours et tout le temps.


LAURENT : Oui, et cela même vous permettra, lors des projets avec Madeleine Louarn et Pascal Rambert en 3e année, de vivre ces expériences avec plus d’outils, plus pleinement, plus sereinement, et pas comme un moment où tout se joue. Vous le vivrez comme un prolongement de cette aventure que vous allez vivre avec Une saison à l’École. Le chemin sera juste à poursuivre.

 

Qu’est-ce qu’on attend de jeunes acteurs dans un tel exercice ?


LAURENT : Je crois que l’on attend de vous que vous vous déplaciez. Avec cet exercice, nous ne sommes plus dans le rendu d’un atelier, mais bien dans des actes de création, qui vous obligent à sortir du simple statut d’élève pour aborder celui d'artiste à part entière. Ce nouveau statut impose une éthique particulière, un engagement particulier. Il vous faudra porter chaque soir une vision que vous aurez construite au fil des répétitions avec les différent·es artistes. Et cette vision, ce projet rêvé, il faudra le porter au plus haut chaque soir. Cela voudra dire réfléchir à comment on se prépare au mieux pour ce rendez-vous, durant les répétitions bien évidemment, mais aussi une fois les spectacles créés. Comment l'on gère sa fatigue, sa concentration, son quotidien pour pouvoir répondre présent à chaque séance. C’est un nouveau sport qui s’offre à vous.

 

Pour vous, dans votre pratique du plateau, quelle est la difficulté (et la jouissance) de « refaire » tous les soirs ?


LAURENT : La difficulté, c’est les soirs, où l’on arrive pas à se réinventer, parce qu’on s’est mal préparé, parce que la vraie vie prend trop de place, où l’on fait le jouer le métier pour tenir la baraque, et là on se dit, pour reprendre une des questions du début, qu’on est « professionnel » et c’est déprimant au plus haut point . La jouissance, c’est quand on a cette petite seconde d’avance sur les choses, une lucidité extrême, et qu’on réinvente des moments que l’on croyait figés à jamais. Dans ces moments, j’ai l’impression d’être un peu comme dans « le jour sans fin » où je peux agir tel un démiurge sur le cour des choses et les changer à mon avantage. Refaire c’est ce plaisir de retrouver l’espace d’une heure ou plus, le même chemin et d’y être bien, car on peut avoir la main sur cet espace-temps, du moins le croit-on.


ARTHUR : Je n’ai jamais eu le sentiment d’être professionnel, ou de pouvoir m’appuyer sur des acquis. J’oublie tout ça avant la représentation. Les quelques heures avant de jouer, j’ai l’impression que je ne sais rien, que je n’ai rien fait, c’est une amnésie de ma vie d’acteur. Quelque chose s’efface, même si ma tête me dit que ça fait maintenant un certain nombre d’années que je fais ce métier. Le corps renâcle, comme conscient de l’effort qui l’attend. On ne veut pas y aller. On se dit « oh non pas encore ce texte, ces états, cette énergie, cette fatigue… » Et en entrant en scène j’ai toujours le sentiment que tout est à la fois nouveau et déjà vu. Ça recommence mais c’est toujours différent. Les partenaires sont différents, le public est différent. Comme je m’appuie sur la réalité du lieu et du moment, l’atmosphère est toujours différente et on s’ajuste, on se déploie chaque fois dans un autre bain. Un autre voyage commence et la jouissance vient de là, de la surprise de ce qui est en train d’advenir et qu’on ne savait pas, malgré toutes les répétitions et représentations. D’où mon penchant assez coupable pour l’accident et le dérapage.

 

Que les élèves – dans le cadre de ce projet – prennent en charge des tâches autres que le jeu et la création, touchent à tous les corps de métiers qui font la vie d’un théâtre (RP, communication, billetterie…), en quoi est-ce important pour vous ?

Tout est transmission. C’est le sens d’une école dans un théâtre.

LAURENT : C’est l’un des aspects du projet qui me touche le plus. À travers ce prisme, c’est comprendre qu’au-delà du plateau, il existe tout un ensemble de corps de métiers qui sont là, pour que nous artistes puissions exercer notre art. Je crois qu’il ne faut jamais l’oublier. Cela permet d’être moins autocentré·es pour nous les acteurs, actrices. C’est comprendre que le théâtre est un tout et que si nous sommes au bout de la chaîne, il y a un travail fait dans l’ombre qui est essentiel. Je crois par exemple que les acteurs, actrices, ne s’intéressent pas assez en général aux modes de productions des spectacles , alors que cette question est au cœur même des décisions artistiques et des choix esthétiques des projets. Et puis vous êtes au sein d’un théâtre public, et toucher à tous ces aspects, c’est comprendre aussi qu’elles sont les missions d’un tel lieu, combien il est important de défendre, et d’accompagner pour nous artistes, au-delà du simple travail de plateau ces missions d’émancipations et de libertés. Par les temps qui courent, cela me semble encore plus important. C’est une manière de prolonger l’éthique que l’on doit avoir sur un plateau, au-delà de celui-ci.


ARTHUR : Et puis cette école a la chance d’être dans un théâtre, en l’occurrence un Centre Dramatique National, un réseau incroyable en France de lieux dont la spécificité est d’être dirigés par des artistes, des praticien·nes, et qui leur donnent une forte identité artistique. Pour moi le projet du TNB et l’École sont intimement liés. J’y interviens, ainsi que l’ensemble des artistes associé·es que j’ai voulu impliquer dans mon projet pour le TNB, que ce soit du côté de la création comme du côté de ce que nous développons avec le public. Un théâtre, un centre dramatique, n’est pas un gros bâtiment avec des bureaux et des gens qui font des choses dans des bureaux indépendamment les uns des autres. Le projet artistique sous-tend les choix et les directions prises pour la programmation, la com, l’accueil des artistes et du public. Il y a une cohérence entre la saison, les rendez-vous avec le public, le cinéma, la formation, une façon de penser la communication et les relations publiques. La création est au centre. C’est aussi cela qu'Une saison à l’École peut vous permettre de comprendre. Et il y a réciprocité. Pour l’équipe du TNB, vous accompagner dans ce projet aussi être mis en face de sa pratique et de ses habitudes, et les questionner. Tout le monde pourra apprendre quelque chose de cette expérience, et des liens nouveaux vont se créer entre l’équipe et vous. Tout est transmission. C’est le sens d’une école dans un théâtre.

 

Dans le projet Une saison à l’École, il y a 4 pièces avec 4 metteuses et metteurs en scène différents : comment s’est formé le choix de ces artistes et de leur collaboration artistique avec les élèves ?


LAURENT : Vous connaissez notre attachement, à Arthur et moi-même, à la fidélité dans notre métier, aux histoires qui se tissent entre les êtres au fil des projets, au fil du temps, combien ces liens donnent du sens à ce que l’on fait lorsqu’on est au plateau. Ils nous a donc semblé essentiel que les artistes qui allaient nous accompagner dans cette aventure aient un lien privilégié avec le projet de l’École et l’aventure du TNB. Important aussi que les formes soient les plus diverses possibles. Le choix s’est donc fait assez naturellement. Julie Duclos et Gilles Blanchard sont à nos côtés depuis le tout début du concours de l’École, ils ont collaboré à toutes les étapes, et on fait partie de l’équipe de pédagogues qui vous ont accompagné·e·s lors de votre 1re année, ils vous connaissent donc bien. Phia Ménard a également participé à la 1re année de l’année de l’École comme pédagogue, et comme Julie Duclos, elle est artiste associée au TNB. Quant à Yves-Noël Genod, nous pensions à lui depuis longtemps pour intervenir dans l’École, de par son parcours artistique singulier, et aussi lié au fait qu’il ait participé comme Gilles Blanchard et Arthur Nauzyciel, à l’aventure de l’école d’Antoine Vitez qui vous le savez est pour nous une grande source d’inspiration. Toutes et tous ont des univers artistiques très forts, toutes et tous ont ce goût de la transmission, toutes et tous font partie de cette famille rêvée d’artistes qui s’est constituée au fil du temps.


ARTHUR : J’ajouterais que les formes sont complémentaires. 2 textes, l’un classique et l’autre contemporain, un travail collectif qui vient solliciter le corps, et un travail de pure création, d’écriture de plateau, plus performatif.

 

Nous avons ouvert cette interview par le rêve, je vais la clôre de même : Aujourd’hui quel serait votre plus grand rêve pour cette 1re promotion 10 ?

« On ne promet rien pour la suite, mais ils se seront au moins rencontrés là » – Antoine Vitez

LAURENT : Mon rêve est que durant ces 3 ans d’école, vous ayez pu trouver assez d’outils, que vous ayez pu puiser assez de force, assez de rêves, assez de joie, pu traverser assez d’expériences, fait assez de belles rencontres, pour aborder avec force et bonheur cette nouvelle aventure que sera ce chemin d’artiste que vous vous proposez. Mon rêve est que lorsque vous repenserez à ces 3 années, elles vous donneront du courage dans les moments de doutes, de la joie pour rayonner sur les plateaux, et qu’à votre tour vous soyez les relais d’une certaine éthique, d’une certaine histoire du théâtre, dans laquelle vous vous inscrirez afin d’élargir cette communauté d’esprit. Je rêve que vous deveniez des artistes singuliers et libres, et que ce métier vous donne autant qu’il m’a donné et me donne encore.


ARTHUR : là je ne vois rien à ajouter… Sinon que lorsque nous avons fêté les 30 ans de l’école de Vitez, il y a un an, je me suis rendu compte que j’étais toujours ami avec ceux et celles qui étaient mes ami·es de l’époque, et qu’avec les autres un lien c’était consolidé aussi. Vitez disait à propos de l’école « On ne promet rien pour la suite, mais ils se seront au moins rencontrés là ». C’est profondément vrai. Je rêve pour vous une longue et forte amitié collective, quels que soient les chemins des uns et des autres. Et que nous ayons pu vous transmettre des valeurs, des imaginaires, des partages d’expériences qui, je l’espère, vous accompagneront et vous soutiendront le plus longtemps possible. Enfin, tels des pac man, que vous alliez parasiter et coloniser les scènes d’aujourd’hui pour y insuffler la foi dans la puissance des mots, du texte et des formes qui renouvelleront le théâtre.

 

Et puisque nous sommes sur le point d’entamer un moment important, fort, symbolique, de cette formation et puisque toute cette folle aventure a commencé (sur votre initiative) par un dossier dont les questions nous ont bouleversés, transformés, déplacés… nous vous renvoyons la balle ! Vous nous aviez demandé de nous projeter dans l’avenir, alors nous vous demandons de vous replacer à notre endroit, à notre âge : Quel acteur/metteur en scène/artiste imaginiez-vous être dans l’avenir ?


LAURENT : Comme j’avais dit à ma mère quand elle m’avait posé la même question à votre âge, « J’aimerais être un acteur qui a trouvé des compagnons de route pour grandir ensemble encore et encore ». Jamais je n’ai imaginé faire ce métier en solitaire ! La vie m’a donné ce que je rêvais, je suis chanceux !


ARTHUR : J’imaginais être réalisateur de cinéma. Je rêvais de ça. Depuis l’enfance, vraiment. Donc je ne suis toujours pas là où j’imaginais être. C’est formidable parce que j’ai l’impression que je n’ai toujours pas commencé à vivre la vie que je rêvais. Commencer par être acteur a été une magnifique alternative pour prolonger la rêverie, l’attente que quelque chose commence. La mise en scène m’a appris la responsabilité, une certaine forme de gravité. Diriger un théâtre et une école, c’était conceptuellement impossible pour moi à l’époque. Et je le vis comme une énorme mise en scène. J’ai l’impression d’être encore en apprentissage et de me préparer pour des rêves autres. Voilà, on suit le mouvement qu’on impulse sans le savoir.

 

Et pour finir, une question que vous nous aviez posée, qui, paradoxalement, est peut-être une de celles qui ont le plus à voir avec tout ce dont on parle et tout ce que vous construisez au TNB… Qu’est-ce que l’amitié ?

 

LAURENT : Le silence possible entre 2 êtres !


ARTHUR : Une affection et une confiance diffuses et fidèles, bâties par le temps, indépendamment des chemins qui se séparent et se croisent. Un peu comme l’amour mais avec réciprocité.

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Entretien réalisé par les élèves de la promotion 10 de l'École du TNB en janvier 2020

À PROPOS DE "UNE SAISON À L'ÉCOLE"

ENTRETIEN AVEC ARTHUR NAUZYCIEL & LAURENT POITRENAUX

Publié le 15/01/2020

 

Entretien réalisé par les élèves de la promotion 10 de l'École du TNB en janvier 2020

En janvier 2018 – alors encore candidats au concours du TNB – nous répondions aux questions d’un dossier de création, sésame pour passer les portes du 1er tour. Aujourd’hui, 2 ans après, à la veille d’entamer une étape fondamentale de notre formation avec Une saison à l’École, nous avons décidé, à notre tour, de leur poser quelques questions sur le projet et de les inviter à retourner sur les traces des jeunes acteurs, artistes qu’ils étaient à notre âge…

 

Vous disiez que, avec le TNB, vous construisiez l’École que vous auriez rêvé de faire. Alors notre 1re question, ce serait cela : À notre âge, comment auriez-vous reçu le projet Une saison à l’École ? Quelles auraient été vos peurs, doutes, rêves, à la veille d’une telle aventure ?


LAURENT : Je crois que cela aurait été un mélange de trac intense et de joie pure. Trac de ne pas être à la hauteur, mais joie pure de pouvoir vivre une telle aventure, de m’y confronter. Je crois que j’aurais aussi été touché, à travers tout le travail à fournir autour des spectacles, que l’on fasse confiance à ma capacité d’autonomie, de réflexion, de rêverie, de créativité, pas simplement sur un plateau mais aussi au-delà. Et puis savoir que ce projet puisse exister dans l’École, dans cette salle du Paradis que j’aime tant, m’aurait donné de la force. C’est comme inviter des gens chez soi pour une belle fête.

 


ARTHUR : Je n’aurais pas compris. J’étais très jeune à l’école, je n’avais pas fait de cours précédemment et je ne savais pas que j’allais être acteur, j’étais rentré à l’école de Vitez un peu sur un malentendu. Je voulais réaliser des films. Alors je pense que je m’y serais donné à fond, avec enthousiasme et naïveté, et que probablement l’exercice m’aurait été profitable, justement pour ces raisons. Parce que je n’aurais pas essayé de répondre à une demande « a priori » mais que j’aurais essayé de donner le meilleur de moi-même. Et j’aurais compris bien plus tard ce que ça m’aurait apporté. Ça se serait fait aussi aux prix d’une certaine souffrance probablement : la peur de ne pas convaincre, de ne pas être « bon ». Des inquiétudes dont on a du mal à se débarrasser de toute façon. Je ne pense pas que j’aurais vécu cela comme une fête, dans la joie, contrairement à Laurent. Je serais sûrement passé à côté de ce sentiment pourtant essentiel. Mais plus aujourd’hui. Aujourd’hui il n’y a plus que ça qui m’intéresse.

 

Puisqu'Une saison à l’École va nous confronter à la réalité du métier, à l’injonction d’être « au rendez-vous » chaque soir et de « refaire », c’est un peu une manière de nous « professionnaliser » avant l’heure ? À partir de quel moment, en tant qu’acteur, en tant qu’artiste, vous vous êtes senti « professionnel » ?

Faire ce métier prend toute la vie, se glisse dans le moindre interstice de nos journées

LAURENT : Cette notion de « professionnel » est surtout renvoyée par l’extérieur, par les tutelles administratives, par les autres. Je ne me suis jamais pensé ainsi car derrière cette notion il y aurait comme la certitude d’être « arrivé », alors que notre art est fait avant tout d’incertitudes. Ce que je sais c’est que je suis sur un chemin, que sur ce chemin j’apprends des choses et en désapprends d’autres, que j’ai pu acquérir quelques outils, quelques savoirs au fil du temps, que c’est un chemin de vie, où le doute est le maître mot. Peut-on être « professionnel » de la vie ? Faire ce métier prend toute la vie, se glisse dans le moindre interstice de nos journées, ce terme est donc trop aride et réducteur pour rendre compte de la complexité de notre art. Ce projet d’Une saison à l'École n’est pas pour moi une manière de vous professionnaliser avant l’heure, mais plutôt l’occasion de vous faire éprouver, dans une démarche qui reste pédagogique, cette question de la réitération qui est au cœur de notre art.


ARTHUR : Laurent a raison sur la démarche. Comment refaire ? Comment être au rendez-vous ? Se préparer à être entièrement mobilisé, corps et âme, soir après soir ? Comment faire avec ce que l’on a vécu dans la journée ? Comment se préparer à tenir sur la durée, sur plusieurs jours ou semaines, parfois des mois, les contraintes et les nécessités de ce travail chaque soir réitéré devant des gens ? Un travail à la fois technique, politique, spirituel, poétique. Je ne sais pas si c’est ça être professionnel, mais il y a quelque chose de ça : être capable, quoi qu’il arrive, de donner le meilleur de soi-même dans le cadre défini par la mise en scène, de donner au public l’impression que ce qui se passe, se passe pour la 1re fois, de donner tout simplement, se donner soi. Être professionnel c’est peut-être arriver à se rendre disponible à cela, à se préparer pour ce moment-là. Les notions de « métier », de « technique », ou d’expériences, peuvent être des réponses à la question du professionnalisme. Pour moi, le professionnalisme a à voir avec la fiabilité. La confiance. Un·e acteur·rice professionnel·le, c’est, en tant que metteur en scène, quelqu’un sur qui je peux compter, qui va se sentir responsable du bon déroulement et de l’exigence de la représentation. C’est un état d’esprit. Même si je me suis senti professionnel le jour où je me suis inscrit aux Assedic et ai rempli mes premières déclarations. C’est assez triste quand on y pense, mais je comprends la dimension symbolique de cet acte.

 

Aujourd’hui, en tant que directeur et directeur pédagogique, quels sont vos objectifs pour ce projet ?

Une saison à l’École est l’occasion d’apprendre à travailler, devant du public. On ne livre pas un résultat fini devant le public. On travaille devant et avec lui. 

LAURENT : Nous avons pensé votre cursus comme une fusée à 3 étages, pour vous propulser dans les meilleures conditions possibles dans « l’après-école ». Après une 1re année dite « secrète », un laboratoire, où il n’y avait pas – où il ne devait pas y avoir – de souci de résultat, il nous a semblé important que cette 2e année commence à vous ouvrir vers l’extérieur, mais de manière encore protégée, au sein de l’école, dans votre antre du 4e étage. La 3e année poursuivra cette ouverture, en l’élargissant même, avec le projet de séjour à l’étranger, entre autres. Mais en ce qui concerne plus précisément ce projet d’ Une saison à l’École, il s’agissait aussi de vous permettre, au sein de votre formation, d’éprouver le fait de retraverser soir après soir une même création, devant un public différent chaque soir, et sur une assez longue période. Cet aspect est souvent ignoré dans les écoles, ou alors ne se produit que tardivement, lors du spectacle de sortie, et nous pensions qu’il était primordial que vous puissiez vous confronter le plus tôt possible à cette problématique. Le fait de vivre cette expérience au milieu de votre cursus vous libèrera d’une certaine pression qui déplace souvent les enjeux pédagogiques lors d’un spectacle de sortie. Vous pourrez mieux, me semble-t-il, en dégager des outils pour le futur.


ARTHUR : Justement, pour que ce ne soit pas un spectacle de sortie, que l’on aborde en étant déjà « ailleurs » dans sa tête, en général. Le moment du spectacle de sortie déplace quelque chose dans les comportements, l’imaginaire. Une saison à l’École est l’occasion d’apprendre à travailler, devant du public. C’est comprendre cet état. On ne livre pas un résultat fini devant le public. On travaille devant et avec lui. On ne présuppose pas du résultat, on ne cherche pas à séduire. C’est le problème des spectacles des sorties qui ne viennent pas révéler le meilleur des gens, à mon avis. Au contraire, ça encourage la performance, la compétition. Apprendre la mise au travail, sans cesse renouvelée, devant des spectateurs, indépendamment des questions de reconnaissance et de résultat, c’est une force. C’est cela, l’idée importante, c’est qu’il n’y a pas d’obligation de résultat. Là, nous créons les conditions pour vous mettre à l’épreuve de ce métier, par l’expérience réelle, mais dans un contexte qui reste pédagogique. On apprend par l’erreur, le ratage, et là nous vous encourageons à faire le plus d’erreurs possibles, à tomber souvent. Ce serait plus problématique dans un contexte professionnel évidemment, parce qu’il y aura un contrat, un engagement, un salaire, pour répondre à une demande, une attente. Ne pas arriver à bien travailler aura plus de conséquences, alors que dans le cadre d’Une saison à l’École, c’est, au contraire, formateur. Bien sûr, dans le contexte professionnel aussi – et souvent on est mécontent de son travail – mais c’est autre chose, c’est le besoin de continuer à évoluer et de se remettre en question. On apprend toujours de ses erreurs à l’école comme en dehors. L’exercice justement c’est d’apprendre à apprendre de ses erreurs. Ça servira toujours et tout le temps.


LAURENT : Oui, et cela même vous permettra, lors des projets avec Madeleine Louarn et Pascal Rambert en 3e année, de vivre ces expériences avec plus d’outils, plus pleinement, plus sereinement, et pas comme un moment où tout se joue. Vous le vivrez comme un prolongement de cette aventure que vous allez vivre avec Une saison à l’École. Le chemin sera juste à poursuivre.

 

Qu’est-ce qu’on attend de jeunes acteurs dans un tel exercice ?


LAURENT : Je crois que l’on attend de vous que vous vous déplaciez. Avec cet exercice, nous ne sommes plus dans le rendu d’un atelier, mais bien dans des actes de création, qui vous obligent à sortir du simple statut d’élève pour aborder celui d'artiste à part entière. Ce nouveau statut impose une éthique particulière, un engagement particulier. Il vous faudra porter chaque soir une vision que vous aurez construite au fil des répétitions avec les différent·es artistes. Et cette vision, ce projet rêvé, il faudra le porter au plus haut chaque soir. Cela voudra dire réfléchir à comment on se prépare au mieux pour ce rendez-vous, durant les répétitions bien évidemment, mais aussi une fois les spectacles créés. Comment l'on gère sa fatigue, sa concentration, son quotidien pour pouvoir répondre présent à chaque séance. C’est un nouveau sport qui s’offre à vous.

 

Pour vous, dans votre pratique du plateau, quelle est la difficulté (et la jouissance) de « refaire » tous les soirs ?


LAURENT : La difficulté, c’est les soirs, où l’on arrive pas à se réinventer, parce qu’on s’est mal préparé, parce que la vraie vie prend trop de place, où l’on fait le jouer le métier pour tenir la baraque, et là on se dit, pour reprendre une des questions du début, qu’on est « professionnel » et c’est déprimant au plus haut point . La jouissance, c’est quand on a cette petite seconde d’avance sur les choses, une lucidité extrême, et qu’on réinvente des moments que l’on croyait figés à jamais. Dans ces moments, j’ai l’impression d’être un peu comme dans « le jour sans fin » où je peux agir tel un démiurge sur le cour des choses et les changer à mon avantage. Refaire c’est ce plaisir de retrouver l’espace d’une heure ou plus, le même chemin et d’y être bien, car on peut avoir la main sur cet espace-temps, du moins le croit-on.


ARTHUR : Je n’ai jamais eu le sentiment d’être professionnel, ou de pouvoir m’appuyer sur des acquis. J’oublie tout ça avant la représentation. Les quelques heures avant de jouer, j’ai l’impression que je ne sais rien, que je n’ai rien fait, c’est une amnésie de ma vie d’acteur. Quelque chose s’efface, même si ma tête me dit que ça fait maintenant un certain nombre d’années que je fais ce métier. Le corps renâcle, comme conscient de l’effort qui l’attend. On ne veut pas y aller. On se dit « oh non pas encore ce texte, ces états, cette énergie, cette fatigue… » Et en entrant en scène j’ai toujours le sentiment que tout est à la fois nouveau et déjà vu. Ça recommence mais c’est toujours différent. Les partenaires sont différents, le public est différent. Comme je m’appuie sur la réalité du lieu et du moment, l’atmosphère est toujours différente et on s’ajuste, on se déploie chaque fois dans un autre bain. Un autre voyage commence et la jouissance vient de là, de la surprise de ce qui est en train d’advenir et qu’on ne savait pas, malgré toutes les répétitions et représentations. D’où mon penchant assez coupable pour l’accident et le dérapage.

 

Que les élèves – dans le cadre de ce projet – prennent en charge des tâches autres que le jeu et la création, touchent à tous les corps de métiers qui font la vie d’un théâtre (RP, communication, billetterie…), en quoi est-ce important pour vous ?

Tout est transmission. C’est le sens d’une école dans un théâtre.

LAURENT : C’est l’un des aspects du projet qui me touche le plus. À travers ce prisme, c’est comprendre qu’au-delà du plateau, il existe tout un ensemble de corps de métiers qui sont là, pour que nous artistes puissions exercer notre art. Je crois qu’il ne faut jamais l’oublier. Cela permet d’être moins autocentré·es pour nous les acteurs, actrices. C’est comprendre que le théâtre est un tout et que si nous sommes au bout de la chaîne, il y a un travail fait dans l’ombre qui est essentiel. Je crois par exemple que les acteurs, actrices, ne s’intéressent pas assez en général aux modes de productions des spectacles , alors que cette question est au cœur même des décisions artistiques et des choix esthétiques des projets. Et puis vous êtes au sein d’un théâtre public, et toucher à tous ces aspects, c’est comprendre aussi qu’elles sont les missions d’un tel lieu, combien il est important de défendre, et d’accompagner pour nous artistes, au-delà du simple travail de plateau ces missions d’émancipations et de libertés. Par les temps qui courent, cela me semble encore plus important. C’est une manière de prolonger l’éthique que l’on doit avoir sur un plateau, au-delà de celui-ci.


ARTHUR : Et puis cette école a la chance d’être dans un théâtre, en l’occurrence un Centre Dramatique National, un réseau incroyable en France de lieux dont la spécificité est d’être dirigés par des artistes, des praticien·nes, et qui leur donnent une forte identité artistique. Pour moi le projet du TNB et l’École sont intimement liés. J’y interviens, ainsi que l’ensemble des artistes associé·es que j’ai voulu impliquer dans mon projet pour le TNB, que ce soit du côté de la création comme du côté de ce que nous développons avec le public. Un théâtre, un centre dramatique, n’est pas un gros bâtiment avec des bureaux et des gens qui font des choses dans des bureaux indépendamment les uns des autres. Le projet artistique sous-tend les choix et les directions prises pour la programmation, la com, l’accueil des artistes et du public. Il y a une cohérence entre la saison, les rendez-vous avec le public, le cinéma, la formation, une façon de penser la communication et les relations publiques. La création est au centre. C’est aussi cela qu'Une saison à l’École peut vous permettre de comprendre. Et il y a réciprocité. Pour l’équipe du TNB, vous accompagner dans ce projet aussi être mis en face de sa pratique et de ses habitudes, et les questionner. Tout le monde pourra apprendre quelque chose de cette expérience, et des liens nouveaux vont se créer entre l’équipe et vous. Tout est transmission. C’est le sens d’une école dans un théâtre.

 

Dans le projet Une saison à l’École, il y a 4 pièces avec 4 metteuses et metteurs en scène différents : comment s’est formé le choix de ces artistes et de leur collaboration artistique avec les élèves ?


LAURENT : Vous connaissez notre attachement, à Arthur et moi-même, à la fidélité dans notre métier, aux histoires qui se tissent entre les êtres au fil des projets, au fil du temps, combien ces liens donnent du sens à ce que l’on fait lorsqu’on est au plateau. Ils nous a donc semblé essentiel que les artistes qui allaient nous accompagner dans cette aventure aient un lien privilégié avec le projet de l’École et l’aventure du TNB. Important aussi que les formes soient les plus diverses possibles. Le choix s’est donc fait assez naturellement. Julie Duclos et Gilles Blanchard sont à nos côtés depuis le tout début du concours de l’École, ils ont collaboré à toutes les étapes, et on fait partie de l’équipe de pédagogues qui vous ont accompagné·e·s lors de votre 1re année, ils vous connaissent donc bien. Phia Ménard a également participé à la 1re année de l’année de l’École comme pédagogue, et comme Julie Duclos, elle est artiste associée au TNB. Quant à Yves-Noël Genod, nous pensions à lui depuis longtemps pour intervenir dans l’École, de par son parcours artistique singulier, et aussi lié au fait qu’il ait participé comme Gilles Blanchard et Arthur Nauzyciel, à l’aventure de l’école d’Antoine Vitez qui vous le savez est pour nous une grande source d’inspiration. Toutes et tous ont des univers artistiques très forts, toutes et tous ont ce goût de la transmission, toutes et tous font partie de cette famille rêvée d’artistes qui s’est constituée au fil du temps.


ARTHUR : J’ajouterais que les formes sont complémentaires. 2 textes, l’un classique et l’autre contemporain, un travail collectif qui vient solliciter le corps, et un travail de pure création, d’écriture de plateau, plus performatif.

 

Nous avons ouvert cette interview par le rêve, je vais la clôre de même : Aujourd’hui quel serait votre plus grand rêve pour cette 1re promotion 10 ?

« On ne promet rien pour la suite, mais ils se seront au moins rencontrés là » – Antoine Vitez

LAURENT : Mon rêve est que durant ces 3 ans d’école, vous ayez pu trouver assez d’outils, que vous ayez pu puiser assez de force, assez de rêves, assez de joie, pu traverser assez d’expériences, fait assez de belles rencontres, pour aborder avec force et bonheur cette nouvelle aventure que sera ce chemin d’artiste que vous vous proposez. Mon rêve est que lorsque vous repenserez à ces 3 années, elles vous donneront du courage dans les moments de doutes, de la joie pour rayonner sur les plateaux, et qu’à votre tour vous soyez les relais d’une certaine éthique, d’une certaine histoire du théâtre, dans laquelle vous vous inscrirez afin d’élargir cette communauté d’esprit. Je rêve que vous deveniez des artistes singuliers et libres, et que ce métier vous donne autant qu’il m’a donné et me donne encore.


ARTHUR : là je ne vois rien à ajouter… Sinon que lorsque nous avons fêté les 30 ans de l’école de Vitez, il y a un an, je me suis rendu compte que j’étais toujours ami avec ceux et celles qui étaient mes ami·es de l’époque, et qu’avec les autres un lien c’était consolidé aussi. Vitez disait à propos de l’école « On ne promet rien pour la suite, mais ils se seront au moins rencontrés là ». C’est profondément vrai. Je rêve pour vous une longue et forte amitié collective, quels que soient les chemins des uns et des autres. Et que nous ayons pu vous transmettre des valeurs, des imaginaires, des partages d’expériences qui, je l’espère, vous accompagneront et vous soutiendront le plus longtemps possible. Enfin, tels des pac man, que vous alliez parasiter et coloniser les scènes d’aujourd’hui pour y insuffler la foi dans la puissance des mots, du texte et des formes qui renouvelleront le théâtre.

 

Et puisque nous sommes sur le point d’entamer un moment important, fort, symbolique, de cette formation et puisque toute cette folle aventure a commencé (sur votre initiative) par un dossier dont les questions nous ont bouleversés, transformés, déplacés… nous vous renvoyons la balle ! Vous nous aviez demandé de nous projeter dans l’avenir, alors nous vous demandons de vous replacer à notre endroit, à notre âge : Quel acteur/metteur en scène/artiste imaginiez-vous être dans l’avenir ?


LAURENT : Comme j’avais dit à ma mère quand elle m’avait posé la même question à votre âge, « J’aimerais être un acteur qui a trouvé des compagnons de route pour grandir ensemble encore et encore ». Jamais je n’ai imaginé faire ce métier en solitaire ! La vie m’a donné ce que je rêvais, je suis chanceux !


ARTHUR : J’imaginais être réalisateur de cinéma. Je rêvais de ça. Depuis l’enfance, vraiment. Donc je ne suis toujours pas là où j’imaginais être. C’est formidable parce que j’ai l’impression que je n’ai toujours pas commencé à vivre la vie que je rêvais. Commencer par être acteur a été une magnifique alternative pour prolonger la rêverie, l’attente que quelque chose commence. La mise en scène m’a appris la responsabilité, une certaine forme de gravité. Diriger un théâtre et une école, c’était conceptuellement impossible pour moi à l’époque. Et je le vis comme une énorme mise en scène. J’ai l’impression d’être encore en apprentissage et de me préparer pour des rêves autres. Voilà, on suit le mouvement qu’on impulse sans le savoir.

 

Et pour finir, une question que vous nous aviez posée, qui, paradoxalement, est peut-être une de celles qui ont le plus à voir avec tout ce dont on parle et tout ce que vous construisez au TNB… Qu’est-ce que l’amitié ?

 

LAURENT : Le silence possible entre 2 êtres !


ARTHUR : Une affection et une confiance diffuses et fidèles, bâties par le temps, indépendamment des chemins qui se séparent et se croisent. Un peu comme l’amour mais avec réciprocité.

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