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FESTIVAL TNB X LES INROCKS
ENTRETIEN AVEC JOSÉPHINE SERRE
Publié le 27/10/2023
Entretien réalisé pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2023, avec Joséphine Serre, auteure et metteure en scène.
“Je me suis résolue à mener ma propre enquête”
Joséphine Serre a créé deux pièces à partir de documents trouvés au hasard du quotidien. Entre faits et fantasmes, elle met en scène des individus faits pour se rencontrer.
Pour la création de ces pièces, l’élément déclencheur a été une découverte mystérieuse dans votre boîte aux lettres. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Joséphine Serre — En effet, en 2010, alors que j’ouvrais ma boîte aux lettres, je suis tombée sur un portefeuille. À l’intérieur, j’y trouvais une carte de résident algérien en France, un certain Amer M., arrivé sur le territoire dans les années 1950. Pour retrouver son propriétaire, j’ai interpellé mes voisins, puis je suis allée voir la police, qui m’a envoyée balader. Alors je me suis résolue à mener ma propre enquête... Il y avait donc ce nom, avec ce visage ; il y avait aussi plusieurs mots d’amour, écrits par une femme, une certaine Colette B., pianiste à Radio France. C’était beau, énigmatique. Comme Emmanuel Carrère ou Patrick Modiano, je me suis mis en tête de reconstituer l’histoire d’Amer M. en mêlant mes propres fantasmes aux données factuelles trouvées, en partant à la recherche d’un monde en train de disparaître. Cela a donné la première pièce, Amer M. Ensuite, j’ai senti la nécessité de donner la parole à Colette B., et cela a formé un diptyque, cinq ans plus tard.
Sur le plan de la mise en scène, les pièces ont un traitement très différent. Pourquoi ?
Amer M. était ouvrier dans le bâtiment, donc j’ai imaginé des associations avec de la matière, quelque chose de très concret. La pièce est marquée par les arts plastiques, une toile peinte en direct, des images projetées… Colette B., à l’inverse, a été créée en rapport avec le son et la musique, puisqu’elle était instrumentiste. Alors on y entend des œuvres d’Olivier Messiaen, entre autres, qu’elle avait jouées à Radio France.
Où avez-vous situé la frontière entre votre imagination et leur réalité ?
Ce problème n’a pas été simple à résoudre. Je suis allée à l’adresse indiquée sur la carte de résident. J’ai vu cet homme dans l’immeuble, qui pouvait être lui, et à qui j’ai rendu le portefeuille d’ailleurs. Mais je n’ai pas osé lui demander son identité. Dès que j’en savais trop, mon imagination s’évanouissait et mon travail devenait anecdotique. Mais ces interrogations, je les traite dans la pièce. Je mets en scène ma propre démarche. Une façon de rester fidèle à eux et à moi- même.
— Propos recueillis par Igor Hansen-Løve
Photo © Marie-Pia Bracchi
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Entretien réalisé pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2023, avec Joséphine Serre, auteure et metteure en scène.
FESTIVAL TNB X LES INROCKS
ENTRETIEN AVEC JOSÉPHINE SERRE
Publié le 27/10/2023
Entretien réalisé pour le supplément des Inrocks consacré au Festival TNB 2023, avec Joséphine Serre, auteure et metteure en scène.
“Je me suis résolue à mener ma propre enquête”
Joséphine Serre a créé deux pièces à partir de documents trouvés au hasard du quotidien. Entre faits et fantasmes, elle met en scène des individus faits pour se rencontrer.
Pour la création de ces pièces, l’élément déclencheur a été une découverte mystérieuse dans votre boîte aux lettres. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Joséphine Serre — En effet, en 2010, alors que j’ouvrais ma boîte aux lettres, je suis tombée sur un portefeuille. À l’intérieur, j’y trouvais une carte de résident algérien en France, un certain Amer M., arrivé sur le territoire dans les années 1950. Pour retrouver son propriétaire, j’ai interpellé mes voisins, puis je suis allée voir la police, qui m’a envoyée balader. Alors je me suis résolue à mener ma propre enquête... Il y avait donc ce nom, avec ce visage ; il y avait aussi plusieurs mots d’amour, écrits par une femme, une certaine Colette B., pianiste à Radio France. C’était beau, énigmatique. Comme Emmanuel Carrère ou Patrick Modiano, je me suis mis en tête de reconstituer l’histoire d’Amer M. en mêlant mes propres fantasmes aux données factuelles trouvées, en partant à la recherche d’un monde en train de disparaître. Cela a donné la première pièce, Amer M. Ensuite, j’ai senti la nécessité de donner la parole à Colette B., et cela a formé un diptyque, cinq ans plus tard.
Sur le plan de la mise en scène, les pièces ont un traitement très différent. Pourquoi ?
Amer M. était ouvrier dans le bâtiment, donc j’ai imaginé des associations avec de la matière, quelque chose de très concret. La pièce est marquée par les arts plastiques, une toile peinte en direct, des images projetées… Colette B., à l’inverse, a été créée en rapport avec le son et la musique, puisqu’elle était instrumentiste. Alors on y entend des œuvres d’Olivier Messiaen, entre autres, qu’elle avait jouées à Radio France.
Où avez-vous situé la frontière entre votre imagination et leur réalité ?
Ce problème n’a pas été simple à résoudre. Je suis allée à l’adresse indiquée sur la carte de résident. J’ai vu cet homme dans l’immeuble, qui pouvait être lui, et à qui j’ai rendu le portefeuille d’ailleurs. Mais je n’ai pas osé lui demander son identité. Dès que j’en savais trop, mon imagination s’évanouissait et mon travail devenait anecdotique. Mais ces interrogations, je les traite dans la pièce. Je mets en scène ma propre démarche. Une façon de rester fidèle à eux et à moi- même.
— Propos recueillis par Igor Hansen-Løve
Photo © Marie-Pia Bracchi
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ENTRETIEN AVEC JOSÉPHINE SERRE / MILA TURAJLIĆ