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INCLUSION, HANDICAP, CRÉATION

ENTRETIEN AVEC BRUCE GLADWIN / MADELEINE LOUARN

Publié le 06/10/2023

Il y a 30 ans naissait en Australie la compagnie Back to Back et en France la troupe Catalyse. Madeleine Louarn, metteuse en scène, et Bruce Gladwin, directeur artistique, reviennent sur leurs expériences respectives auprès de comédiennes et comédiens en situation de handicap.

Qu’est-ce qui vous a conduits à travailler avec des personnes en situation de handicap ?
 

Madeleine Louarn : À ma sortie de l’école d’éducateur spécialisé de Brest, j’ai été embauchée dans L’Établissement et Services d’Aide par le Travail (ESAT), Les Genêts d’or à Morlaix. Dans le sillage de la psychothérapie institutionnelle, on essayait alors de mettre en place des ateliers où la question artistique était au coeur des pratiques. J’ai pris la tête d’un de ces ateliers et cela ne s’est jamais arrêté : j’ai quitté l’éducation spécialisée 8 ans après, pour ne faire que du théâtre. J’ai toujours pensé que le théâtre était l’un des facteurs d’émancipation les plus puissants, parce qu’il transforme la façon dont on est vu. D’emblée, par intuition, nous n’avons pas souhaité donner au théâtre la moindre fonction thérapeutique. Le théâtre servait uniquement à faire du théâtre. C’est très important : quelle était la possibilité pour ces personnes de poser un geste esthétique à part entière ?

Bruce Gladwin : J’ai découvert le travail de Back to Back Theatre en tant que spectateur, au tout début des années 90. Pour moi, c’est ce qui se faisait de plus extraordinaire sur la scène australienne à l’époque. La performance, l’écriture, la scénographie, tout était impressionnant, avec un côté anarchique et des sujets originaux. Il soufflait là un vent de liberté qui ne ressemblait en rien à ma formation d’acteur et de metteur en scène. C’est ce qui m’a attiré.

 


Quels types de textes travaillez-vous ?


Bruce Gladwin : La compagnie a toujours écrit ses propres pièces. Cela acte l’idée que les comédiennes et comédiens nous rejoignent non pas pour apprendre quelque chose mais pour être moteurs. Leurs parcours, leurs expériences, la façon très singulière qu’elles et ils ont de s’engager dans le monde, en raison de leur neurodiversité, leur donne une vision de la société sans doute très différente de celle que peut avoir le public. Elles et ils ont un point de vue singulier sur les conventions, les protocoles, les procédures, dont elles et ils deviennent d’excellents commentateurs.

Madeleine Louarn : Nous ne jouons que des textes déjà existants. C’est lié à mon amour de la littérature, au fait que les livres m’ont changée. J’ai toujours pensé que c’était plus compliqué de se limiter à soi, quand des gens ont déjà parlé, écrit, pensé, fait entendre des choses que je n’avais pas soupçonnées. L’expérience avec Catalyse m’a confortée dans cette intuition et je n’abandonnerai pas la question du texte. Même si le langage est piégeant, il nous construit. La puissance des mots est quelque chose de considérable.

 

 

Quelle place tiennent pour vous les activités de transmission ?

 

Bruce Gladwin : Nous avons beaucoup d’actions tournées vers la communauté. Chaque mercredi, nous organisons des ateliers ouverts, qui permettent à des jeunes gens en situation de handicap mental de venir travailler avec nous. Nous avons aussi un projet intitulé Come And Make Performance Camp, qui prend la forme d’un week-end intensif, où nous réunissons de nombreuses et nombreux artistes au fil d’ateliers tournés autour de la performance. Nous faisons également beaucoup de résidences et de performances en milieu scolaire. D’une manière générale, nous considérons les membres de la communauté avec lesquels nous travaillons comme des éléments actifs et non comme des personnes à qui nous devrions apprendre quelque chose.

Madeleine Louarn : Récemment, nous avons entamé un projet avec l’École du TNB, qui a des effets sur les acteurs et les actrices de Catalyse comme sur les jeunes gens. Pour ces ateliers, je me laisse d’abord porter par la rencontre : il faut qu’elle en soit le moteur. Le travail de mise en jeu permet d’avoir ces inconscients qui se parlent, ce qui est très puissant pour la façon dont on envisage ce métier.

 

– Propos recueillis par Vincent Théval,
août 2023

 

→ Read this interview in English

 

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Il y a 30 ans naissait en Australie la compagnie Back to Back et en France la troupe Catalyse. Madeleine Louarn, metteuse en scène, et Bruce Gladwin, directeur artistique, reviennent sur leurs expériences respectives auprès de comédiennes et comédiens en situation de handicap.

INCLUSION, HANDICAP, CRÉATION

ENTRETIEN AVEC BRUCE GLADWIN / MADELEINE LOUARN

Publié le 06/10/2023

Il y a 30 ans naissait en Australie la compagnie Back to Back et en France la troupe Catalyse. Madeleine Louarn, metteuse en scène, et Bruce Gladwin, directeur artistique, reviennent sur leurs expériences respectives auprès de comédiennes et comédiens en situation de handicap.

Qu’est-ce qui vous a conduits à travailler avec des personnes en situation de handicap ?
 

Madeleine Louarn : À ma sortie de l’école d’éducateur spécialisé de Brest, j’ai été embauchée dans L’Établissement et Services d’Aide par le Travail (ESAT), Les Genêts d’or à Morlaix. Dans le sillage de la psychothérapie institutionnelle, on essayait alors de mettre en place des ateliers où la question artistique était au coeur des pratiques. J’ai pris la tête d’un de ces ateliers et cela ne s’est jamais arrêté : j’ai quitté l’éducation spécialisée 8 ans après, pour ne faire que du théâtre. J’ai toujours pensé que le théâtre était l’un des facteurs d’émancipation les plus puissants, parce qu’il transforme la façon dont on est vu. D’emblée, par intuition, nous n’avons pas souhaité donner au théâtre la moindre fonction thérapeutique. Le théâtre servait uniquement à faire du théâtre. C’est très important : quelle était la possibilité pour ces personnes de poser un geste esthétique à part entière ?

Bruce Gladwin : J’ai découvert le travail de Back to Back Theatre en tant que spectateur, au tout début des années 90. Pour moi, c’est ce qui se faisait de plus extraordinaire sur la scène australienne à l’époque. La performance, l’écriture, la scénographie, tout était impressionnant, avec un côté anarchique et des sujets originaux. Il soufflait là un vent de liberté qui ne ressemblait en rien à ma formation d’acteur et de metteur en scène. C’est ce qui m’a attiré.

 


Quels types de textes travaillez-vous ?


Bruce Gladwin : La compagnie a toujours écrit ses propres pièces. Cela acte l’idée que les comédiennes et comédiens nous rejoignent non pas pour apprendre quelque chose mais pour être moteurs. Leurs parcours, leurs expériences, la façon très singulière qu’elles et ils ont de s’engager dans le monde, en raison de leur neurodiversité, leur donne une vision de la société sans doute très différente de celle que peut avoir le public. Elles et ils ont un point de vue singulier sur les conventions, les protocoles, les procédures, dont elles et ils deviennent d’excellents commentateurs.

Madeleine Louarn : Nous ne jouons que des textes déjà existants. C’est lié à mon amour de la littérature, au fait que les livres m’ont changée. J’ai toujours pensé que c’était plus compliqué de se limiter à soi, quand des gens ont déjà parlé, écrit, pensé, fait entendre des choses que je n’avais pas soupçonnées. L’expérience avec Catalyse m’a confortée dans cette intuition et je n’abandonnerai pas la question du texte. Même si le langage est piégeant, il nous construit. La puissance des mots est quelque chose de considérable.

 

 

Quelle place tiennent pour vous les activités de transmission ?

 

Bruce Gladwin : Nous avons beaucoup d’actions tournées vers la communauté. Chaque mercredi, nous organisons des ateliers ouverts, qui permettent à des jeunes gens en situation de handicap mental de venir travailler avec nous. Nous avons aussi un projet intitulé Come And Make Performance Camp, qui prend la forme d’un week-end intensif, où nous réunissons de nombreuses et nombreux artistes au fil d’ateliers tournés autour de la performance. Nous faisons également beaucoup de résidences et de performances en milieu scolaire. D’une manière générale, nous considérons les membres de la communauté avec lesquels nous travaillons comme des éléments actifs et non comme des personnes à qui nous devrions apprendre quelque chose.

Madeleine Louarn : Récemment, nous avons entamé un projet avec l’École du TNB, qui a des effets sur les acteurs et les actrices de Catalyse comme sur les jeunes gens. Pour ces ateliers, je me laisse d’abord porter par la rencontre : il faut qu’elle en soit le moteur. Le travail de mise en jeu permet d’avoir ces inconscients qui se parlent, ce qui est très puissant pour la façon dont on envisage ce métier.

 

– Propos recueillis par Vincent Théval,
août 2023

 

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