Théâtre National de Bretagne
Direction Arthur Nauzyciel

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UNE SAISON À L'ÉCOLE

LA CRÉATION DES COSTUMES

Publié le 29/03/2023

 

Une école, 20 élèves, 4 travaux présentés dans un lieu unique pendant 5 mois. De janvier à juin 2023, la promotion 11 vous accueillera au sein de l’Ecole pour découvrir 4 spectacles créés avec 4 artistes invité·es dans le cadre du projet Une saison à l’école : Guillaume Vincent, Madeleine Louarn, Patricia Allio (artistes associé·es au TNB) et Ludovic Lagarde.

Le vendredi 10 février, lors des avant-premières de L’Instruction, mis en scène par Madeleine Louarn avec les 20 élèves de la promotion 11 de l’École du TNB dans le cadre d’Une saison à l’École, Myriam Rault, régisseuse générale en charge des costumes au TNB, a voulu réunir les élèves et recueillir leurs premières impressions après ces 2 premiers mois de création. Comment les étudiant·es envisagent le costume après les deux créations qu’ils et elles ont traversé ? Retour sur un échange à 21 voix.

 

Paolo Malassis : « Ce n’était pas la première fois que je faisais un spectacle avec des costumes. Mais c’est la première fois que je me suis rendu compte de l’ampleur de mon ignorance. Dans le premier spectacle, les costumes servaient à créer des silhouettes très théâtrales. Mais dans Paradis perdu, je ne comprenais pas pourquoi une chose fonctionnait et pas une autre, et je devais m’en remettre entièrement aux costumières. »

 

Myriam Rault : « Chaque projet aura des statuts différents. Chez Patricia Allio, dans Paradis perdu, c’est du costume non-costume, qui est une question très complexe. C’est à la fois l’acteur et pas lui. C’est un fil ténu à construire. Et le goût de chacun est à prendre à compte. On part d’abord de l’intention du metteur en scène, puis c’est la réception qu’un costumier peut recevoir, et enfin comment ça se construit avec l’acteur.

 

Cette médiation est différente des autres aspects techniques parce qu’elle touche à ce que va porter l’acteur face au public, son enveloppe visible. C’est une chose assez sensible, qui se dit parfois sans mots. C’est poreux entre chacun, à son endroit de création. « Ça marche ou ça ne marche pas » : ça devient comme un tableau. Les corps sont là, avec les particularités, les carnations, les touches de couleurs et les formes, et cela se construit de cette manière. »

 

Bonnie Barbier : « Il y a eu une grande différence entre La Tour de Constance avec Guillaume Vincent et L’Instruction de Madeleine Louarn. Guillaume Vincent avait des idées très précises de ce qu’il voulait, et les répétitions ont commencé déjà en costumes. Le costume est important pour moi, dès que j’entre en scène, et là, il a été directement un appui de jeu.

 

Sur L’Instruction, nous avons été plus libres. J’ai pris conscience du regard des costumières et j’ai appris à leur faire confiance car au départ, j’étais en retrait. Leur regard déplaçait les idées que j’avais de ma silhouette et cela me rendait perplexe. J’ai trouvé mon personnage de juge par le polo noir, les talons, mais le chemin a été plus laborieux et moins évident que pour La Tour de Constance. »

 

Myriam Rault : « Guillaume Vincent savait exactement ce qu’il voulait. Chaque metteur en scène s’était approprié la question du costume. On a vraiment pris du temps à construire ensemble. Le costume prend un temps de fou car c’est un temps de rencontre avec chacun. Il faut rencontrer l’intention du metteur en scène, puis rencontrer chaque élève individuellement, puis voir si l’on a besoin d’effectuer des achats ou d’aller dans la réserve, et enfin, effectuer les retouches, les changements. Et cela pour 20 élèves et 4 spectacles. Au départ, pour tous les spectacles, vous avez tous commencé par faire des propositions. Ça s’est construit avec vous. Je ne peux pas dire que j’ai été costumière de chaque projet. Je me voyais plus comme accompagnant costume.

 

Tu dis Bonnie, que tu t’es sentie en retrait sur L’Instruction. C’est important car cela montre à quel point il est important de recevoir, essayer. Quelque chose que tu vois en dehors, qui se déplace quand tu le mets sur toi. L’impression de se découvrir dans la glace en se disant « Ah ouais, ça c’est possible. ». Au sein d’une école, je trouve ça important que vous sentiez ça : accepter de glisser vers des choses vers lesquelles vous ne seriez pas du tout allés. Parce qu’on a nos goûts, nos idées de comment on se sent dans nos corps. Accepter de recevoir cela et voir comment ça vous déplace. J’ai senti ça chez toi, Julie. »

 

Julie Borgel : « Je trouve intéressant de manier les costumes même dans les choses les plus simples sans forcément chercher des silhouettes très impressionnantes et très théâtrales comme disait Paolo. À partir parfois de détails, boutonner ou déboutonner, une faible nuance de couleurs. Voir comment un tout petit truc fait apparaître tout un monde. »

 

Charlotte Leroy : « Moi, ce que j’ai beaucoup apprécié, c’est que l’on prenait toujours en considération notre bien-être. Avant, je voyais le costume comme quelque chose que l’on nous donnait, que l’on nous imposait presque. Je ne pensais pas que notre confort était pris en compte, que le costume n’avait pas à avoir un côté « contraignant », ou alors qu’on pouvait jouer justement avec cette contrainte. »

 

Hortense Girard : « On nous a souvent dit qu’il ne fallait pas « jouer le costume », et l’on a pu vraiment éprouver cette idée dans Une saison à l’École. Une fois que le costume sied, il prend en charge énormément de choses, qui n’ont pas besoin d’être exprimées par le jeu. Le travail sur le costume peut nous permettre d’affiner le rapport à la pensée du texte. Le costume décharge le côté volontaire que l’acteur peut avoir par rapport au texte, et lui permet d’explorer beaucoup plus de profondeur. »

 

Myriam Rault : « Un Feydeau va être très différent si on le joue en costumes d’époques, et si on le joue en habits contemporains. L’esthétique vient d’un propos et comment le metteur en scène veut entendre cette parole incarnée ou pas, et comment le costume appuie cette incarnation ou pas. Et après se construit ce jeu sur ce que le costume prend en charge ou non. Pour L’Instruction, c’était très dur. Madeleine Louarn ne voulait pas d’incarnation. À partir de là se pose la question de la présence des acteurs. Il devait y avoir référence aux années 60, sans tomber dans la reconstitution.

 

La présence d’un uniforme était aussi exclue, tout le monde habillé pareil, cela aurait affaibli le propos. Mais le résultat final aurait pu être encore complètement différent. Il fallait voir les effets des costumes sur l’ensemble mais aussi voir les élèves individuellement pour essayer plusieurs combinaisons. Ce processus peut être difficile pour les acteurs. Des personnages seront plus simples à trouver pour une raison ou une autre, certains costumes vont être plus difficiles à trouver.

 

Le rapport du costumier à l’acteur est particulier. Il faut s’apprivoiser. Un rapport de confiance doit s’installer, c’est un rapport à l’intime avec chacun de vous. Face à 20, même émotionnellement, c’est énorme. Ça peut être des moments difficiles pour l’un ou l’autre, pour que les choses se trouvent. En tant que costumière, si je sens que l’acteur en face n’est pas à l’aise dans son costume, s’il n’y a pas de rencontre avec ce que je lui propose, je n’insiste pas. »

 

Pierre Thionois : « Avec mon poids, mon rapport au costume est compliqué. Pendant longtemps, je me contentais de costumes trop petits. J’ai beaucoup fait appel à Myriam en première année de l’École, ce qui a fait que je me suis permis beaucoup plus de choses en deuxième année. Pendant L’Instruction, j’ai très vite eu des idées pour mon personnage, sans m’imaginer que ça pouvait aboutir à quelque chose. Et aux essayages, j’étais étonné d’avoir des vêtements à ma taille. Ce costume m’a beaucoup aidé, il m’apporte une droiture, une restriction, qui font partie intégrante de mon jeu d’acteur. Une fois, je ne trouvais plus mes chaussures : je ne pouvais m’imaginer faire les répétitions sans le bruit qu’elles provoquent. »

 

Myriam Rault : « Vous avez accès à la réserve de costumes dans le cadre de votre scolarité, et vous pouvez y allez seul. Est-ce que le fait d’avoir quelqu’un qui prend en charge cette partie-là pendant Une saison à l’École vous a déplacés. Est-ce que vous avez senti la différence ?

 

Bonnie Barbier : « Ça permet d’élargir nos idées, aller dans des endroits où on ne serait pas allés forcément. »

 

Fanny Laborie : « Il y a une certaine sûreté qui s’installe. Si cette partie-là est prise en charge par quelqu’un d’autre, tu peux te concentrer sur d’autres choses. »

 

Tristan Glasel : « Vous avez aussi une connaissance du costume que nous n’avons pas, par rapport aux époques, aux différentes classes. De me dire que je pouvais me fier à vous, ça soulage. »

 

Myriam Rault : « Il y a eu sûrement eu plein de maladresses. Je suis allé voir Pierre hier et je lui ai dit « Ta chemise du deuxième personnage, elle saute. », 2heures avant de jouer. Tu es obligé de déconstruire quelque chose. Mais dans le cadre d’Une saison à l’École, on n’a pas toujours de temps disponible. » 

 

Pierre Thionois : « C’est ce que tu disais sur le fait de travailler pour 20 personnes dans L’Instruction. Une des raisons pour lesquelles je devais changer ma chemise, c’est qu’à la fin tout le monde était très clair, et ma chemise à carreaux verte était trop marquée. On s’était raconté des choses du personnage, mais tout à coup dans l’ensemble, elle ne marchait plus. »

 

Myriam Rault : « Il faut savoir être à l’écoute de tous ces éléments. Ce n’est pas soi, son personnage. C’est vraiment soi dans un projet, dans un dispositif d’un metteur en scène, dans un costume, dans une lumière. C’est cet ensemble-là. […] Un spectacle c’est plein de choses bout à bout à travailler »

 

Alison Dechamps : « Sur L’Instruction, j’ai trouvé ça génial. Hier soir, en me changeant, je me suis dit que quand les costumes sont bien faits, bien trouvés, ça donne l’impression d’être DiCaprio dans Arrête-moi si tu peux, quand il se change en steward, en médecin. En fait, il n’a plus qu’à y croire. Et ça m’a donné cette impression-là hier. »

 

Myriam Rault : « C’est le travail de l’habilleuse de préparer cet instant, comment elle va laver, repasser, faire des retouches… Si un acteur n’a pas conscience du soin du costume, cette opération ne peut pas aboutir. C’est de l’ordre du rituel. Vous mettez le costume, et d’un coup c’est le plateau. On ne peut pas s’avachir en robe d’époque. »

 

Dylan Maréchal : « Il y a une protection aussi dans le costume. Je sais que j’ai un rituel quand je passe de mon costume de témoin au costume de Mulka (adjoint du commandant du camp d’Auschwitz), que j’ai un rituel quand je l’enlève. Ce serait beaucoup plus difficile de tenir les propos de Mulka sans le costume, même en répétitions ».

 

Myriam Rault : « Tout à coup, ton personnage, tu le laisses dans le costume. »

 

Charlotte Leroy : « C’est comme le chirurgien qui met sa blouse, ou l’avocat qui met sa robe. C’est une mise en scène de soi-même qui permet d’effectuer la tâche à accomplir, de mettre à distance, surtout dans des métiers où tu restes avec. La langue nous habite, tout nous habite en permanence, et le costume permet de cadrer un minimum un mode de vie qui ne l’est pas. »

 

Myriam Rault : « Cela pose aussi la question des vêtements personnels. Ce n’est pas simple pour certaines personnes. Je pense à Fanny, tout ton costume, c’est des vêtements persos.»

 

Fanny Laborie : « Je ne peux plus mettre le sweat que je porte dans Paradis perdu. Je n’ai pas le même problème avec mon pantalon. On a tous constitué une sorte de visuel commun autour du sweat, de sa texture. J’ai vraiment l’impression de porter un costume quand je le mets maintenant. »

 

Eli Roy : « Ça le rend sacré à un endroit. Tu te sens juste autre. Les costumes de L’Instruction ou de Sallinger nous racontent plein d’histoires du vécu du personnage. Comme nous disait Laurent [Poitrenaux, responsable pédagogique de l’École du TNB], ça fait la moitié du travail. À partir du moment où j’ai connu ça sur Une saison à l’École, plus jamais je ne pourrais jouer sans un travail technique sur le costume, la lumière, le son. Le jeu est obligé de se nourrir de plein d’autres choses, sinon il n’est pas à son potentiel maximum. C’est très agréable d’avoir tout ça mis en place autour pour que l’on puisse évoluer. »

 

Charlotte Leroy : « C’est important d’être en contact avec ces autres métiers qui sont magnifiques dans Une saison à l’École. Ton métier est magnifique. Tu créés des fleurs. Le théâtre n’est pas envisageable sans tout ça, c’est une fourmilière. Le fait de rentrer dans un cadre semi-professionnel, avec des gens dont c’est le métier, ça nous apprend aussi à quel endroit nous on peut s’en saisir. On ne peut pas s’improviser technicien. Chacun a son domaine de compétence. C’est important de s’en rendre compte pendant notre formation. »

 

Myriam Rault : « Autour d’un même objet qui est un spectacle, c’est plein de métiers très différents, avec des réalités et des contraintes très variées. Avoir conscience de l’endroit de l’autre permet des rapports beaucoup plus fluides, puisqu’au final, on est tous là pour la même chose. Quand tu considères ces différents corps de métiers et que chacun se considère les uns les autres, ça change tout. Tout est beaucoup plus simple si les choses se disent, même quand elles sont difficiles à dire. »

 

– février 2023

 

Le Magazine du TNB

 

Une école, 20 élèves, 4 travaux présentés dans un lieu unique pendant 5 mois. De janvier à juin 2023, la promotion 11 vous accueillera au sein de l’Ecole pour découvrir 4 spectacles créés avec 4 artistes invité·es dans le cadre du projet Une saison à l’école : Guillaume Vincent, Madeleine Louarn, Patricia Allio (artistes associé·es au TNB) et Ludovic Lagarde.

UNE SAISON À L'ÉCOLE

LA CRÉATION DES COSTUMES

Publié le 29/03/2023

 

Une école, 20 élèves, 4 travaux présentés dans un lieu unique pendant 5 mois. De janvier à juin 2023, la promotion 11 vous accueillera au sein de l’Ecole pour découvrir 4 spectacles créés avec 4 artistes invité·es dans le cadre du projet Une saison à l’école : Guillaume Vincent, Madeleine Louarn, Patricia Allio (artistes associé·es au TNB) et Ludovic Lagarde.

Le vendredi 10 février, lors des avant-premières de L’Instruction, mis en scène par Madeleine Louarn avec les 20 élèves de la promotion 11 de l’École du TNB dans le cadre d’Une saison à l’École, Myriam Rault, régisseuse générale en charge des costumes au TNB, a voulu réunir les élèves et recueillir leurs premières impressions après ces 2 premiers mois de création. Comment les étudiant·es envisagent le costume après les deux créations qu’ils et elles ont traversé ? Retour sur un échange à 21 voix.

 

Paolo Malassis : « Ce n’était pas la première fois que je faisais un spectacle avec des costumes. Mais c’est la première fois que je me suis rendu compte de l’ampleur de mon ignorance. Dans le premier spectacle, les costumes servaient à créer des silhouettes très théâtrales. Mais dans Paradis perdu, je ne comprenais pas pourquoi une chose fonctionnait et pas une autre, et je devais m’en remettre entièrement aux costumières. »

 

Myriam Rault : « Chaque projet aura des statuts différents. Chez Patricia Allio, dans Paradis perdu, c’est du costume non-costume, qui est une question très complexe. C’est à la fois l’acteur et pas lui. C’est un fil ténu à construire. Et le goût de chacun est à prendre à compte. On part d’abord de l’intention du metteur en scène, puis c’est la réception qu’un costumier peut recevoir, et enfin comment ça se construit avec l’acteur.

 

Cette médiation est différente des autres aspects techniques parce qu’elle touche à ce que va porter l’acteur face au public, son enveloppe visible. C’est une chose assez sensible, qui se dit parfois sans mots. C’est poreux entre chacun, à son endroit de création. « Ça marche ou ça ne marche pas » : ça devient comme un tableau. Les corps sont là, avec les particularités, les carnations, les touches de couleurs et les formes, et cela se construit de cette manière. »

 

Bonnie Barbier : « Il y a eu une grande différence entre La Tour de Constance avec Guillaume Vincent et L’Instruction de Madeleine Louarn. Guillaume Vincent avait des idées très précises de ce qu’il voulait, et les répétitions ont commencé déjà en costumes. Le costume est important pour moi, dès que j’entre en scène, et là, il a été directement un appui de jeu.

 

Sur L’Instruction, nous avons été plus libres. J’ai pris conscience du regard des costumières et j’ai appris à leur faire confiance car au départ, j’étais en retrait. Leur regard déplaçait les idées que j’avais de ma silhouette et cela me rendait perplexe. J’ai trouvé mon personnage de juge par le polo noir, les talons, mais le chemin a été plus laborieux et moins évident que pour La Tour de Constance. »

 

Myriam Rault : « Guillaume Vincent savait exactement ce qu’il voulait. Chaque metteur en scène s’était approprié la question du costume. On a vraiment pris du temps à construire ensemble. Le costume prend un temps de fou car c’est un temps de rencontre avec chacun. Il faut rencontrer l’intention du metteur en scène, puis rencontrer chaque élève individuellement, puis voir si l’on a besoin d’effectuer des achats ou d’aller dans la réserve, et enfin, effectuer les retouches, les changements. Et cela pour 20 élèves et 4 spectacles. Au départ, pour tous les spectacles, vous avez tous commencé par faire des propositions. Ça s’est construit avec vous. Je ne peux pas dire que j’ai été costumière de chaque projet. Je me voyais plus comme accompagnant costume.

 

Tu dis Bonnie, que tu t’es sentie en retrait sur L’Instruction. C’est important car cela montre à quel point il est important de recevoir, essayer. Quelque chose que tu vois en dehors, qui se déplace quand tu le mets sur toi. L’impression de se découvrir dans la glace en se disant « Ah ouais, ça c’est possible. ». Au sein d’une école, je trouve ça important que vous sentiez ça : accepter de glisser vers des choses vers lesquelles vous ne seriez pas du tout allés. Parce qu’on a nos goûts, nos idées de comment on se sent dans nos corps. Accepter de recevoir cela et voir comment ça vous déplace. J’ai senti ça chez toi, Julie. »

 

Julie Borgel : « Je trouve intéressant de manier les costumes même dans les choses les plus simples sans forcément chercher des silhouettes très impressionnantes et très théâtrales comme disait Paolo. À partir parfois de détails, boutonner ou déboutonner, une faible nuance de couleurs. Voir comment un tout petit truc fait apparaître tout un monde. »

 

Charlotte Leroy : « Moi, ce que j’ai beaucoup apprécié, c’est que l’on prenait toujours en considération notre bien-être. Avant, je voyais le costume comme quelque chose que l’on nous donnait, que l’on nous imposait presque. Je ne pensais pas que notre confort était pris en compte, que le costume n’avait pas à avoir un côté « contraignant », ou alors qu’on pouvait jouer justement avec cette contrainte. »

 

Hortense Girard : « On nous a souvent dit qu’il ne fallait pas « jouer le costume », et l’on a pu vraiment éprouver cette idée dans Une saison à l’École. Une fois que le costume sied, il prend en charge énormément de choses, qui n’ont pas besoin d’être exprimées par le jeu. Le travail sur le costume peut nous permettre d’affiner le rapport à la pensée du texte. Le costume décharge le côté volontaire que l’acteur peut avoir par rapport au texte, et lui permet d’explorer beaucoup plus de profondeur. »

 

Myriam Rault : « Un Feydeau va être très différent si on le joue en costumes d’époques, et si on le joue en habits contemporains. L’esthétique vient d’un propos et comment le metteur en scène veut entendre cette parole incarnée ou pas, et comment le costume appuie cette incarnation ou pas. Et après se construit ce jeu sur ce que le costume prend en charge ou non. Pour L’Instruction, c’était très dur. Madeleine Louarn ne voulait pas d’incarnation. À partir de là se pose la question de la présence des acteurs. Il devait y avoir référence aux années 60, sans tomber dans la reconstitution.

 

La présence d’un uniforme était aussi exclue, tout le monde habillé pareil, cela aurait affaibli le propos. Mais le résultat final aurait pu être encore complètement différent. Il fallait voir les effets des costumes sur l’ensemble mais aussi voir les élèves individuellement pour essayer plusieurs combinaisons. Ce processus peut être difficile pour les acteurs. Des personnages seront plus simples à trouver pour une raison ou une autre, certains costumes vont être plus difficiles à trouver.

 

Le rapport du costumier à l’acteur est particulier. Il faut s’apprivoiser. Un rapport de confiance doit s’installer, c’est un rapport à l’intime avec chacun de vous. Face à 20, même émotionnellement, c’est énorme. Ça peut être des moments difficiles pour l’un ou l’autre, pour que les choses se trouvent. En tant que costumière, si je sens que l’acteur en face n’est pas à l’aise dans son costume, s’il n’y a pas de rencontre avec ce que je lui propose, je n’insiste pas. »

 

Pierre Thionois : « Avec mon poids, mon rapport au costume est compliqué. Pendant longtemps, je me contentais de costumes trop petits. J’ai beaucoup fait appel à Myriam en première année de l’École, ce qui a fait que je me suis permis beaucoup plus de choses en deuxième année. Pendant L’Instruction, j’ai très vite eu des idées pour mon personnage, sans m’imaginer que ça pouvait aboutir à quelque chose. Et aux essayages, j’étais étonné d’avoir des vêtements à ma taille. Ce costume m’a beaucoup aidé, il m’apporte une droiture, une restriction, qui font partie intégrante de mon jeu d’acteur. Une fois, je ne trouvais plus mes chaussures : je ne pouvais m’imaginer faire les répétitions sans le bruit qu’elles provoquent. »

 

Myriam Rault : « Vous avez accès à la réserve de costumes dans le cadre de votre scolarité, et vous pouvez y allez seul. Est-ce que le fait d’avoir quelqu’un qui prend en charge cette partie-là pendant Une saison à l’École vous a déplacés. Est-ce que vous avez senti la différence ?

 

Bonnie Barbier : « Ça permet d’élargir nos idées, aller dans des endroits où on ne serait pas allés forcément. »

 

Fanny Laborie : « Il y a une certaine sûreté qui s’installe. Si cette partie-là est prise en charge par quelqu’un d’autre, tu peux te concentrer sur d’autres choses. »

 

Tristan Glasel : « Vous avez aussi une connaissance du costume que nous n’avons pas, par rapport aux époques, aux différentes classes. De me dire que je pouvais me fier à vous, ça soulage. »

 

Myriam Rault : « Il y a eu sûrement eu plein de maladresses. Je suis allé voir Pierre hier et je lui ai dit « Ta chemise du deuxième personnage, elle saute. », 2heures avant de jouer. Tu es obligé de déconstruire quelque chose. Mais dans le cadre d’Une saison à l’École, on n’a pas toujours de temps disponible. » 

 

Pierre Thionois : « C’est ce que tu disais sur le fait de travailler pour 20 personnes dans L’Instruction. Une des raisons pour lesquelles je devais changer ma chemise, c’est qu’à la fin tout le monde était très clair, et ma chemise à carreaux verte était trop marquée. On s’était raconté des choses du personnage, mais tout à coup dans l’ensemble, elle ne marchait plus. »

 

Myriam Rault : « Il faut savoir être à l’écoute de tous ces éléments. Ce n’est pas soi, son personnage. C’est vraiment soi dans un projet, dans un dispositif d’un metteur en scène, dans un costume, dans une lumière. C’est cet ensemble-là. […] Un spectacle c’est plein de choses bout à bout à travailler »

 

Alison Dechamps : « Sur L’Instruction, j’ai trouvé ça génial. Hier soir, en me changeant, je me suis dit que quand les costumes sont bien faits, bien trouvés, ça donne l’impression d’être DiCaprio dans Arrête-moi si tu peux, quand il se change en steward, en médecin. En fait, il n’a plus qu’à y croire. Et ça m’a donné cette impression-là hier. »

 

Myriam Rault : « C’est le travail de l’habilleuse de préparer cet instant, comment elle va laver, repasser, faire des retouches… Si un acteur n’a pas conscience du soin du costume, cette opération ne peut pas aboutir. C’est de l’ordre du rituel. Vous mettez le costume, et d’un coup c’est le plateau. On ne peut pas s’avachir en robe d’époque. »

 

Dylan Maréchal : « Il y a une protection aussi dans le costume. Je sais que j’ai un rituel quand je passe de mon costume de témoin au costume de Mulka (adjoint du commandant du camp d’Auschwitz), que j’ai un rituel quand je l’enlève. Ce serait beaucoup plus difficile de tenir les propos de Mulka sans le costume, même en répétitions ».

 

Myriam Rault : « Tout à coup, ton personnage, tu le laisses dans le costume. »

 

Charlotte Leroy : « C’est comme le chirurgien qui met sa blouse, ou l’avocat qui met sa robe. C’est une mise en scène de soi-même qui permet d’effectuer la tâche à accomplir, de mettre à distance, surtout dans des métiers où tu restes avec. La langue nous habite, tout nous habite en permanence, et le costume permet de cadrer un minimum un mode de vie qui ne l’est pas. »

 

Myriam Rault : « Cela pose aussi la question des vêtements personnels. Ce n’est pas simple pour certaines personnes. Je pense à Fanny, tout ton costume, c’est des vêtements persos.»

 

Fanny Laborie : « Je ne peux plus mettre le sweat que je porte dans Paradis perdu. Je n’ai pas le même problème avec mon pantalon. On a tous constitué une sorte de visuel commun autour du sweat, de sa texture. J’ai vraiment l’impression de porter un costume quand je le mets maintenant. »

 

Eli Roy : « Ça le rend sacré à un endroit. Tu te sens juste autre. Les costumes de L’Instruction ou de Sallinger nous racontent plein d’histoires du vécu du personnage. Comme nous disait Laurent [Poitrenaux, responsable pédagogique de l’École du TNB], ça fait la moitié du travail. À partir du moment où j’ai connu ça sur Une saison à l’École, plus jamais je ne pourrais jouer sans un travail technique sur le costume, la lumière, le son. Le jeu est obligé de se nourrir de plein d’autres choses, sinon il n’est pas à son potentiel maximum. C’est très agréable d’avoir tout ça mis en place autour pour que l’on puisse évoluer. »

 

Charlotte Leroy : « C’est important d’être en contact avec ces autres métiers qui sont magnifiques dans Une saison à l’École. Ton métier est magnifique. Tu créés des fleurs. Le théâtre n’est pas envisageable sans tout ça, c’est une fourmilière. Le fait de rentrer dans un cadre semi-professionnel, avec des gens dont c’est le métier, ça nous apprend aussi à quel endroit nous on peut s’en saisir. On ne peut pas s’improviser technicien. Chacun a son domaine de compétence. C’est important de s’en rendre compte pendant notre formation. »

 

Myriam Rault : « Autour d’un même objet qui est un spectacle, c’est plein de métiers très différents, avec des réalités et des contraintes très variées. Avoir conscience de l’endroit de l’autre permet des rapports beaucoup plus fluides, puisqu’au final, on est tous là pour la même chose. Quand tu considères ces différents corps de métiers et que chacun se considère les uns les autres, ça change tout. Tout est beaucoup plus simple si les choses se disent, même quand elles sont difficiles à dire. »

 

– février 2023

 

EN ÉCHO

PROMOTION 11 / PATRICIA ALLIO / LUDOVIC LAGARDE / MADELEINE LOUARN / GUILLAUME VINCENT

UNE SAISON À L'ÉCOLE

À la suite d’une conversation avec Vincent Macaigne sur les problématiques rencontrées par les jeunes acteurs et actrices sortant des écoles, Arthur N...
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