Théâtre National de Bretagne
Direction Arthur Nauzyciel

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ENTRETIEN AVEC ARTHUR NAUZYCIEL

FACE À LA COVID-19

Publié le 18/11/2020

Le 13 mars 2020, le TNB fermait ses portes. Arthur Nauzyciel, directeur du TNB, revient sur cette période et précise ses choix et orientations pour les mois à venir.

Pendant cet arrêt imposé, comment s’est poursuivi le projet que vous développez depuis 3 saisons, « Partager, Transmettre, Rencontrer » ?


Passé le choc de la fermeture, nous nous sommes interrogés sur la façon dont nous pouvions maintenir le lien avec nos équipes, les artistes, le public, tout en imaginant la direction que nous allions donner au TNB au cours des prochains mois. Notre première « mission » a été de soutenir les équipes artistiques, techniques et intermittentes, en honorant l’ensemble des contrats pour les spectacles et activités qui devaient se dérouler au TNB ou hors les murs. Il a aussi fallu mettre en place une continuité pédagogique pour l’École du TNB (école supérieure d’art dramatique), inventer des formats inédits en ligne avec les intervenant∙e∙s. Cette période, parfois difficile pour les élèves, a également révélé une capacité d’invention et de création incroyable.


En traversant ce moment si particulier, nous avons d’abord voulu poursuivre notre engagement solidaire à destination des publics les plus fragiles, en relayant les actions solidaires de nos partenaires ou d’associations du territoire et en avons initié nous-mêmes. Nous avons, par exemple, rouvert l’atelier couture pour la confection de masques. L’activité du TNB s’est ensuite déployée en ligne : podcasts originaux autour des pensées féministes, et portraits d’artistes associé·e·s, lectures quotidiennes d’Histoire de la littérature récente d’Olivier Cadiot par Laurent Poitrenaux, propositions de la promotion 10 de l’École du TNB et « Une date, un jour », lectures d’Histoire mondiale de la France, ouvrage collectif dirigé par Patrick Boucheron, dont il y a, à ce jour, plus de 41 000 écoutes. 


Enfin, le cœur du TNB, sa mission première, étant la création théâtrale, il m’est apparu essentiel d’accueillir des équipes en résidence dès la réouverture possible du bâtiment. Soit, de mi-mai à fin août, 7 projets sur 10 semaines. Il m’est apparu tout aussi essentiel d’ouvrir nos portes. Mais autrement. Détachés du rythme de la saison. Ainsi nous avons imaginé « Vivez un été au TNB ! » : ateliers d’écriture, balades poétiques, visites et répétitions ouvertes à toutes et à tous.


Que va changer la Covid-19 dans le lien entre le TNB et ses spectateur·rice·s ?


Être spectateur·rice, c’est jouer un rôle dans le processus artistique, c’est un engagement à nos côtés. C’est s’approprier le TNB en devenant témoin actif de sa part la moins visible. En ayant accès au processus de création, on devient pleinement associé à l’élaboration du projet du TNB, théâtre d’art qui relève d’une mission de service public. Ces liens qui se créent avec les artistes ont fait l’histoire du TNB depuis la Comédie de l’Ouest. Ces actions sont nombreuses et comptent beaucoup pour le public, 20 000 spectateur·rices y participent chaque saison. Mais nous voulons les amplifier.


Il y a encore trop de gens qui pensent que le théâtre est réservé à une « élite », quand elles et ils ne sont pas intimidés, tout simplement, par la taille du bâtiment. Or l’expérience de la représentation, cette communauté qui se crée le temps d’un spectacle, est unique. Oser franchir les portes du TNB la première fois ne va pas de soi. Nous travaillons, à vaincre cette intimidation, nous savons que la magie opère, dans ce lien sensible qu’est la rencontre entre le plateau et la salle. C’est la force du spectacle vivant.


Comment le contenu initialement prévu de la saison 20/21 a-t-il été impacté ?


Notre choix a été de centrer la saison sur les créations et les coproductions. Nous poursuivons ainsi le soutien aux artistes. Malheureusement, 10 créations internationales ont été annulées par la crise sanitaire. En revanche, nous avons réussi à reporter 8 spectacles qui n’ont pas pu se jouer au printemps 2020. Nos capacités d’accueil resteront dépendantes des conditions sanitaires mais quoi qu’il arrive, nous rendrons visibles les processus de création.


Comment voyez-vous vos missions aujourd’hui ?


Je suis conforté dans ce que nous défendons depuis longtemps : donner du temps aux artistes. Les rythmes de création sont différents, il faut les accompagner dans leur parcours et ne pas négliger leur répertoire. Faire vivre les spectacles le plus longtemps possible, c’est que je fais d’ailleurs depuis ma première création, justement en résistance à un système qui pousse à la surproduction. Le TNB s’inscrit dans un écosystème très large, CDN et Centre Européen de Création, nos missions se jouent au niveau local, en soutenant et en donnant une visibilité aux artistes de la région, mais aussi au niveau national et international.


Notre rôle, aujourd’hui, dans un souci de solidarité plus que nécessaire, est de continuer à maintenir nos engagements sur ces 3 niveaux. La raison d’être du réseau des CDN et scènes nationales est de favoriser la circulation des œuvres qu’ils produisent. Les CDN sont des outils merveilleux dont les missions de création, d’exigence, de partage, de solidarité avec les artistes doivent être réaffirmées et soutenues dans ce moment de grande fragilité.


Comment envisagez-vous désormais cette mission à l’international ?


La crise Covid-19 est un fait planétaire. Cela a remis en question de nombreux projets. Pour faire face aux positions de replis qui menacent quand les frontières se ferment, il nous faut rester reliés à nos partenaires et artistes à l’étranger, qui vivent des situations très difficiles. La culture n’est faite que d’hybridations. Cela a été le point de départ de la diffusion des podcasts d’Histoire mondiale de la France. Nous allons prolonger cette aventure digitale en maintenant ce lien numérique.


Par exemple, poussés par la nécessité de se jouer des frontières et de l’isolement imposés par le confinement, nous avons recréé une version de Splendid’s de Jean Genet avec les acteurs américains et français accueillis au TNB en 2018. Cette création s’est faite grâce aux nouveaux outils de visioconférence auxquels beaucoup d’entre nous ont eu recours. Nous avons testé un nouveau processus de répétition et de création à partir de ce format. Une expérience très forte, que nous allons présenter dans le cadre du prochain Festival TNB.

 

— Arthur Nauzyciel, propos recueillis par Joëlle Gayot, juin 2020

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Le 13 mars 2020, le TNB fermait ses portes. Arthur Nauzyciel, directeur du TNB, revient sur cette période et précise ses choix et orientations pour les mois à venir.

ENTRETIEN AVEC ARTHUR NAUZYCIEL

FACE À LA COVID-19

Publié le 18/11/2020

Le 13 mars 2020, le TNB fermait ses portes. Arthur Nauzyciel, directeur du TNB, revient sur cette période et précise ses choix et orientations pour les mois à venir.

Pendant cet arrêt imposé, comment s’est poursuivi le projet que vous développez depuis 3 saisons, « Partager, Transmettre, Rencontrer » ?


Passé le choc de la fermeture, nous nous sommes interrogés sur la façon dont nous pouvions maintenir le lien avec nos équipes, les artistes, le public, tout en imaginant la direction que nous allions donner au TNB au cours des prochains mois. Notre première « mission » a été de soutenir les équipes artistiques, techniques et intermittentes, en honorant l’ensemble des contrats pour les spectacles et activités qui devaient se dérouler au TNB ou hors les murs. Il a aussi fallu mettre en place une continuité pédagogique pour l’École du TNB (école supérieure d’art dramatique), inventer des formats inédits en ligne avec les intervenant∙e∙s. Cette période, parfois difficile pour les élèves, a également révélé une capacité d’invention et de création incroyable.


En traversant ce moment si particulier, nous avons d’abord voulu poursuivre notre engagement solidaire à destination des publics les plus fragiles, en relayant les actions solidaires de nos partenaires ou d’associations du territoire et en avons initié nous-mêmes. Nous avons, par exemple, rouvert l’atelier couture pour la confection de masques. L’activité du TNB s’est ensuite déployée en ligne : podcasts originaux autour des pensées féministes, et portraits d’artistes associé·e·s, lectures quotidiennes d’Histoire de la littérature récente d’Olivier Cadiot par Laurent Poitrenaux, propositions de la promotion 10 de l’École du TNB et « Une date, un jour », lectures d’Histoire mondiale de la France, ouvrage collectif dirigé par Patrick Boucheron, dont il y a, à ce jour, plus de 41 000 écoutes. 


Enfin, le cœur du TNB, sa mission première, étant la création théâtrale, il m’est apparu essentiel d’accueillir des équipes en résidence dès la réouverture possible du bâtiment. Soit, de mi-mai à fin août, 7 projets sur 10 semaines. Il m’est apparu tout aussi essentiel d’ouvrir nos portes. Mais autrement. Détachés du rythme de la saison. Ainsi nous avons imaginé « Vivez un été au TNB ! » : ateliers d’écriture, balades poétiques, visites et répétitions ouvertes à toutes et à tous.


Que va changer la Covid-19 dans le lien entre le TNB et ses spectateur·rice·s ?


Être spectateur·rice, c’est jouer un rôle dans le processus artistique, c’est un engagement à nos côtés. C’est s’approprier le TNB en devenant témoin actif de sa part la moins visible. En ayant accès au processus de création, on devient pleinement associé à l’élaboration du projet du TNB, théâtre d’art qui relève d’une mission de service public. Ces liens qui se créent avec les artistes ont fait l’histoire du TNB depuis la Comédie de l’Ouest. Ces actions sont nombreuses et comptent beaucoup pour le public, 20 000 spectateur·rices y participent chaque saison. Mais nous voulons les amplifier.


Il y a encore trop de gens qui pensent que le théâtre est réservé à une « élite », quand elles et ils ne sont pas intimidés, tout simplement, par la taille du bâtiment. Or l’expérience de la représentation, cette communauté qui se crée le temps d’un spectacle, est unique. Oser franchir les portes du TNB la première fois ne va pas de soi. Nous travaillons, à vaincre cette intimidation, nous savons que la magie opère, dans ce lien sensible qu’est la rencontre entre le plateau et la salle. C’est la force du spectacle vivant.


Comment le contenu initialement prévu de la saison 20/21 a-t-il été impacté ?


Notre choix a été de centrer la saison sur les créations et les coproductions. Nous poursuivons ainsi le soutien aux artistes. Malheureusement, 10 créations internationales ont été annulées par la crise sanitaire. En revanche, nous avons réussi à reporter 8 spectacles qui n’ont pas pu se jouer au printemps 2020. Nos capacités d’accueil resteront dépendantes des conditions sanitaires mais quoi qu’il arrive, nous rendrons visibles les processus de création.


Comment voyez-vous vos missions aujourd’hui ?


Je suis conforté dans ce que nous défendons depuis longtemps : donner du temps aux artistes. Les rythmes de création sont différents, il faut les accompagner dans leur parcours et ne pas négliger leur répertoire. Faire vivre les spectacles le plus longtemps possible, c’est que je fais d’ailleurs depuis ma première création, justement en résistance à un système qui pousse à la surproduction. Le TNB s’inscrit dans un écosystème très large, CDN et Centre Européen de Création, nos missions se jouent au niveau local, en soutenant et en donnant une visibilité aux artistes de la région, mais aussi au niveau national et international.


Notre rôle, aujourd’hui, dans un souci de solidarité plus que nécessaire, est de continuer à maintenir nos engagements sur ces 3 niveaux. La raison d’être du réseau des CDN et scènes nationales est de favoriser la circulation des œuvres qu’ils produisent. Les CDN sont des outils merveilleux dont les missions de création, d’exigence, de partage, de solidarité avec les artistes doivent être réaffirmées et soutenues dans ce moment de grande fragilité.


Comment envisagez-vous désormais cette mission à l’international ?


La crise Covid-19 est un fait planétaire. Cela a remis en question de nombreux projets. Pour faire face aux positions de replis qui menacent quand les frontières se ferment, il nous faut rester reliés à nos partenaires et artistes à l’étranger, qui vivent des situations très difficiles. La culture n’est faite que d’hybridations. Cela a été le point de départ de la diffusion des podcasts d’Histoire mondiale de la France. Nous allons prolonger cette aventure digitale en maintenant ce lien numérique.


Par exemple, poussés par la nécessité de se jouer des frontières et de l’isolement imposés par le confinement, nous avons recréé une version de Splendid’s de Jean Genet avec les acteurs américains et français accueillis au TNB en 2018. Cette création s’est faite grâce aux nouveaux outils de visioconférence auxquels beaucoup d’entre nous ont eu recours. Nous avons testé un nouveau processus de répétition et de création à partir de ce format. Une expérience très forte, que nous allons présenter dans le cadre du prochain Festival TNB.

 

— Arthur Nauzyciel, propos recueillis par Joëlle Gayot, juin 2020

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