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POLAROÏD PAR JOËLLE GAYOT

L’APPARITION AU CONDITIONNEL DE "MANUEL LITTÉRAIRE DE RETOUR EN FORÊT"

Publié le 20/11/2020

Si vous aviez découvert comme prévu le 20 novembre à 21h ce Manuel littéraire du retour en forêt, vous auriez été propulsé·es par Nicolas Richard et Alexis Fichet de la salle close du Triangle au plus profond des forêts qui enveloppent Rennes. 

C’est là, dans ces espaces colonisés par la modernité (des bruits d’avion aux foulées des joggeurs) que les 2 concepteurs et interprètes de ce projet bucolique et un brin animiste sont allés planter leur caméra pour filmer, saison après saison (l’été étant leur préférée) la vie palpitante des bois, pour ne pas dire l’intimité du vivant qui s’y trame, invisible aux regards trop hâtifs mais évident pour peu qu’on prenne le temps de laisser venir l’infime jusqu’à soi. 

 

Un immense drap est tendu en fond de scène. Sur cette toile écolo compatible, des vidéos défilent. Y déambulent les 2 acteurs filmés en pleine nature. Sur le plateau devant le drap, entre les livres qui jonchent le sol, vous auriez retrouvé ces 2 mêmes acteurs argumentant avec leurs doubles à l’écran. Ils auraient picoré dans les pages des bouquins la matière philosophique, sociologique, anthropologique ou poétique de leurs réflexions, auraient slalomé de Bruno Latour à Carlos Castaneda en passant par Henry David Thoreau ou encore Anna Tsing, professeur d’anthropologie qui, dans un essai (paru aux éditions la Découverte) a révélé l’existence du « Champignon de la fin du monde », autrement dit un champignon qui pousse dans les forêts détruites, ce qui a permis à cette chercheuse américaine de théoriser la reconstruction possible des mondes sur les ruines.  

«  Faire comprendre, dans les va et vient d’un spectacle qui ne part pas de la beauté pour aller vers le désastre mais épouse le trajet inverse, que du pire peut surgir le meilleur​ »

C’était l’un des buts lumineux du Manuel littéraire du retour en forêt : faire comprendre, dans les va et vient d’un spectacle qui ne part pas de la beauté pour aller vers le désastre mais épouse le trajet inverse, que du pire peut surgir le meilleur. Et révéler cette beauté qui, souvent, se refuse à nos sens trop pressés. À l’image d’une des scènes dont vous auriez été témoin au cours de laquelle Nicolas aux aguets entre les branches entremêlées commence par n’y rien y voir avant de percevoir, au-delà des évidences (la verticale des troncs et le brun ocre des sols), de multiples subtilités : nuances des couleurs, odeurs de l’humus, cris d’oiseaux, formes éphémères que fabrique capricieusement le passage du vent dans les arbres.  

 

On peut, affirme Alexis Fichet, se « sentir regardé·e par une forêt ». Pas besoin de croire que cette forêt a une âme. Il suffit juste de la considérer comme un être qui pense et qui, pour cette raison, mérite notre respect. Il est arrivé à ce créateur (qui n’a rien d’un doux dingue) d’être sous le charme d’un cheval suspendu dans un arbre. Illusion d’optique qui dure ce qu’elle dure mais fait du bien le temps qu’elle occupe l’esprit. Faire du bien, c’était aussi l’idée phare de ce Manuel littéraire du retour en forêt qu’on aura eu, c’est vrai, du mal à écrire au conditionnel tant il comble le manque où nous sommes d’immersions en forêts habitées, hantées, vivantes et pensantes.

 

— Joëlle Gayot

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L’APPARITION AU CONDITIONNEL DE "MANUEL LITTÉRAIRE DE RETOUR EN FORÊT"

Si vous aviez découvert comme prévu le 20 novembre à 21h ce Manuel littéraire du retour en forêt, vous auriez été propulsé·es par Nicolas Richard et Alexis Fichet de la salle close du Triangle au plus profond des forêts qui enveloppent Rennes. 

POLAROÏD PAR JOËLLE GAYOT

L’APPARITION AU CONDITIONNEL DE "MANUEL LITTÉRAIRE DE RETOUR EN FORÊT"

Publié le 20/11/2020

Si vous aviez découvert comme prévu le 20 novembre à 21h ce Manuel littéraire du retour en forêt, vous auriez été propulsé·es par Nicolas Richard et Alexis Fichet de la salle close du Triangle au plus profond des forêts qui enveloppent Rennes. 

C’est là, dans ces espaces colonisés par la modernité (des bruits d’avion aux foulées des joggeurs) que les 2 concepteurs et interprètes de ce projet bucolique et un brin animiste sont allés planter leur caméra pour filmer, saison après saison (l’été étant leur préférée) la vie palpitante des bois, pour ne pas dire l’intimité du vivant qui s’y trame, invisible aux regards trop hâtifs mais évident pour peu qu’on prenne le temps de laisser venir l’infime jusqu’à soi. 

 

Un immense drap est tendu en fond de scène. Sur cette toile écolo compatible, des vidéos défilent. Y déambulent les 2 acteurs filmés en pleine nature. Sur le plateau devant le drap, entre les livres qui jonchent le sol, vous auriez retrouvé ces 2 mêmes acteurs argumentant avec leurs doubles à l’écran. Ils auraient picoré dans les pages des bouquins la matière philosophique, sociologique, anthropologique ou poétique de leurs réflexions, auraient slalomé de Bruno Latour à Carlos Castaneda en passant par Henry David Thoreau ou encore Anna Tsing, professeur d’anthropologie qui, dans un essai (paru aux éditions la Découverte) a révélé l’existence du « Champignon de la fin du monde », autrement dit un champignon qui pousse dans les forêts détruites, ce qui a permis à cette chercheuse américaine de théoriser la reconstruction possible des mondes sur les ruines.  

«  Faire comprendre, dans les va et vient d’un spectacle qui ne part pas de la beauté pour aller vers le désastre mais épouse le trajet inverse, que du pire peut surgir le meilleur​ »

C’était l’un des buts lumineux du Manuel littéraire du retour en forêt : faire comprendre, dans les va et vient d’un spectacle qui ne part pas de la beauté pour aller vers le désastre mais épouse le trajet inverse, que du pire peut surgir le meilleur. Et révéler cette beauté qui, souvent, se refuse à nos sens trop pressés. À l’image d’une des scènes dont vous auriez été témoin au cours de laquelle Nicolas aux aguets entre les branches entremêlées commence par n’y rien y voir avant de percevoir, au-delà des évidences (la verticale des troncs et le brun ocre des sols), de multiples subtilités : nuances des couleurs, odeurs de l’humus, cris d’oiseaux, formes éphémères que fabrique capricieusement le passage du vent dans les arbres.  

 

On peut, affirme Alexis Fichet, se « sentir regardé·e par une forêt ». Pas besoin de croire que cette forêt a une âme. Il suffit juste de la considérer comme un être qui pense et qui, pour cette raison, mérite notre respect. Il est arrivé à ce créateur (qui n’a rien d’un doux dingue) d’être sous le charme d’un cheval suspendu dans un arbre. Illusion d’optique qui dure ce qu’elle dure mais fait du bien le temps qu’elle occupe l’esprit. Faire du bien, c’était aussi l’idée phare de ce Manuel littéraire du retour en forêt qu’on aura eu, c’est vrai, du mal à écrire au conditionnel tant il comble le manque où nous sommes d’immersions en forêts habitées, hantées, vivantes et pensantes.

 

— Joëlle Gayot

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