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À PROPOS DE "SKINLESS"

ENTRETIEN AVEC THÉO MERCIER

Publié le 01/06/2023

Après le sable dans Outremonde, vous avez décidé d’utiliser un matériau très particulier : nos déchets. Quel pourrait-être le lien entre ces 2 pièces ?


Comme le sable, les déchets sont ici traités de manière allégorique, comme une matière personnage. Le sable, c’est le matériau de toutes les contradictions. Il est déconstruit mais il sert à bâtir nos villes depuis la nuit des temps. Je l’ai traité comme un matériau entre 2 états, capable de métamorphoses. Il nous guide d’un monde à l’autre, d’une temporalité à une autre, nous plonge au cœur d’une matière en transformation. Celle du paysage mais aussi celle des corps puisque les acteurs de la pièce ont entre 9 et 72 ans. De ce point de vue, Outremonde donne une image du temps, d’une matière dont je ne pourrais jamais m’emparer mais que je peux intercepter pour lui donner forme, un instant. Les 2 projets naissent aussi d’un même geste nourri par une réflexion autour de l’impact environnemental et économique de la pratique de l’Art. Qu’il s’agisse du sable ou des déchets, j’emprunte localement la matière. Ces pièces s’immiscent dans un cycle de production ou de recyclage et invitent le public à partager un moment autour d’une matière qui se déplace pour nous raconter une histoire. Après les représentations, comme les spectateurs, elle retrouve le cours de sa vie. Que je traite de la question des icônes, du musée ou de la décharge, l’aspect métalinguistique de mon travail interroge lui la notion de Temps. Celui contre lequel nous luttons, notamment d’un point de vue environnemental, ou que nous essayons d’arrêter à tout prix.



Le déchet, c’est l’intimité de nos villes. Une intimité malodorante que nous invisibilisons. Vous en faites le substrat d’une possible renaissance.
 

D’habitude, une fois produits, nous ne voyons plus nos déchets. Ils sont traités à l’écart, dans des endroits inaccessibles, rarement ouverts au public, secrets. Des endroits de silence. Ce sont des territoires inconnus, des miroirs terrifiants de notre intimité. Comme des secrets d’un couple, des secrets d’alcôves. Ce sont des paysages chargés déjà habités par l’imaginaire. Dans cette pièce, c’est un monde blessé que je cherche à réenchanter. Un endroit obscur que j’éclaire. Un endroit d’avenir, d’amour, de connexion. Après tout, nos déchets sont les restes de choses que nous avons voulues, désirées. Ils ne sont pas arrivés là par eux-mêmes, ils ont été créés. Ce sont les lambeaux de nos désirs.


 

Cette montagne de déchets, c’est un peu une utopie dans une dystopie. Comment avez-vous travaillé ce récit plastique ?


Dans toutes mes œuvres, il y a une volonté d’érection. Elles sont toutes tendues vers le ciel mais fatalement attirées vers le bas. Elles expriment cette tension entre les cieux et les enfers. Ici, les déchets deviennent une terre nourricière. Dans ce monde inversé, des gestes sauvent les restes de nos désirs pour leur redonner vie. C’est une pièce qui parle d’amour, ce n’est pas un discours sur la fin du monde. Cette dimension a guidé le processus d’écriture. Contrairement à mes précédents spectacles, ici le récit est moins linéaire, moins net. Il est composté d’une certaine manière. Je me suis moins attaché à la lisibilité de l’histoire. Elle n’est plus guidée par une succession de symboles. L’histoire de Skinless est faite d’histoires qui auraient perdu leur moitié, d’histoires amputées, en putréfaction, mélangées à d’autres… Elle est plus organique, portée par les sensations et l’émotion.

 

– Propos recueillis par Francis Cossu, avril 2023

 

À PROPOS DE "SKINLESS"

ENTRETIEN AVEC THÉO MERCIER

Publié le 01/06/2023

Après le sable dans Outremonde, vous avez décidé d’utiliser un matériau très particulier : nos déchets. Quel pourrait-être le lien entre ces 2 pièces ?


Comme le sable, les déchets sont ici traités de manière allégorique, comme une matière personnage. Le sable, c’est le matériau de toutes les contradictions. Il est déconstruit mais il sert à bâtir nos villes depuis la nuit des temps. Je l’ai traité comme un matériau entre 2 états, capable de métamorphoses. Il nous guide d’un monde à l’autre, d’une temporalité à une autre, nous plonge au cœur d’une matière en transformation. Celle du paysage mais aussi celle des corps puisque les acteurs de la pièce ont entre 9 et 72 ans. De ce point de vue, Outremonde donne une image du temps, d’une matière dont je ne pourrais jamais m’emparer mais que je peux intercepter pour lui donner forme, un instant. Les 2 projets naissent aussi d’un même geste nourri par une réflexion autour de l’impact environnemental et économique de la pratique de l’Art. Qu’il s’agisse du sable ou des déchets, j’emprunte localement la matière. Ces pièces s’immiscent dans un cycle de production ou de recyclage et invitent le public à partager un moment autour d’une matière qui se déplace pour nous raconter une histoire. Après les représentations, comme les spectateurs, elle retrouve le cours de sa vie. Que je traite de la question des icônes, du musée ou de la décharge, l’aspect métalinguistique de mon travail interroge lui la notion de Temps. Celui contre lequel nous luttons, notamment d’un point de vue environnemental, ou que nous essayons d’arrêter à tout prix.



Le déchet, c’est l’intimité de nos villes. Une intimité malodorante que nous invisibilisons. Vous en faites le substrat d’une possible renaissance.
 

D’habitude, une fois produits, nous ne voyons plus nos déchets. Ils sont traités à l’écart, dans des endroits inaccessibles, rarement ouverts au public, secrets. Des endroits de silence. Ce sont des territoires inconnus, des miroirs terrifiants de notre intimité. Comme des secrets d’un couple, des secrets d’alcôves. Ce sont des paysages chargés déjà habités par l’imaginaire. Dans cette pièce, c’est un monde blessé que je cherche à réenchanter. Un endroit obscur que j’éclaire. Un endroit d’avenir, d’amour, de connexion. Après tout, nos déchets sont les restes de choses que nous avons voulues, désirées. Ils ne sont pas arrivés là par eux-mêmes, ils ont été créés. Ce sont les lambeaux de nos désirs.


 

Cette montagne de déchets, c’est un peu une utopie dans une dystopie. Comment avez-vous travaillé ce récit plastique ?


Dans toutes mes œuvres, il y a une volonté d’érection. Elles sont toutes tendues vers le ciel mais fatalement attirées vers le bas. Elles expriment cette tension entre les cieux et les enfers. Ici, les déchets deviennent une terre nourricière. Dans ce monde inversé, des gestes sauvent les restes de nos désirs pour leur redonner vie. C’est une pièce qui parle d’amour, ce n’est pas un discours sur la fin du monde. Cette dimension a guidé le processus d’écriture. Contrairement à mes précédents spectacles, ici le récit est moins linéaire, moins net. Il est composté d’une certaine manière. Je me suis moins attaché à la lisibilité de l’histoire. Elle n’est plus guidée par une succession de symboles. L’histoire de Skinless est faite d’histoires qui auraient perdu leur moitié, d’histoires amputées, en putréfaction, mélangées à d’autres… Elle est plus organique, portée par les sensations et l’émotion.

 

– Propos recueillis par Francis Cossu, avril 2023

 

EN ÉCHO

Performeur

THÉO MERCIER

Il est plasticien, performeur et metteur en scène. Il puise sa matière intellectuelle dans l’anthropologie, l’ethnographie, la géopolitique et le tour...
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EN RÉSIDENCE DE CRÉATION POUR « SKINLESS »

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À l'occasion de la résidence de création de l'équipe artistique de Skinless au TNB, nous avons rencontré Théo Mercier, performeur et artiste associé a...
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Artiste associé

THÉO MERCIER

SKINLESS

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