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À PROPOS DE "LE COLONEL DES ZOUAVES"

ENTRETIEN AVEC LAURENT POITRENAUX

Publié le 19/10/2020

Entretien avec Laurent Poitrenaux, responsable pédagogique de l'École du TNB et comédien dans Le Colonel des Zouaves, présenté au TNB en octobre 2020. Un spectacle devenu culte depuis sa création en 1997 et qui a inauguré la collaboration artistique entre l'auteur Olivier Cadiot, le metteur en scène Ludovic Lagarde et le comédien Laurent Poitrenaux. 

 

Revenir au Colonel des Zouaves, spectacle créé en 1997 et que vous reprenez régulièrement, est-ce une façon de sonder le comédien que vous êtes?

 

Oui ! Il est rare qu’un spectacle accompagne pendant 23 ans la vie d’un·e comédien·ne. Y revenir permet de se jauger, de savoir où on en est. A-t-on progressé ? Est-on plus à la peine ? Il y a des choses plus simples à jouer et d’autres qui se révèlent plus difficiles.


Qu’est-ce qui est plus difficile ?
 

À 30 ans (l’âge que j’avais à la création du spectacle), j’avais l’énergie pour porter ce spectacle intense, physique et dense. À 53 ans (mon âge actuel), la question de l’énergie, plus ou moins usée, se pose autrement. Je dois passer par d’autres chemins, par plus d’intériorité.

 

Et le plus simple ?
 

C’est le fait d’avoir fait, refait, mâché et remâché le texte. J’en suis à environ 160 représentations. Si j’ajoute les italiennes, c’est un texte que j’ai dû dire, au minimum, 500 fois. Grâce à ce rabâchage (au bon sens du terme) je suis dans la fluidité. Je surfe sur les mots, ils m’appartiennent. Sans compter que certaines thématiques me paraissent plus évidentes. Ce que je comprenais intellectuellement à 30 ans, je l’appréhende désormais dans ma chair.

« Je serais curieux de savoir l’acteur que je serais si je ne l’avais pas fait ! »

La relation du héros Robinson à la nature sonne-t-elle, aussi, différemment ?
 

Olivier Cadiot est notre contemporain. Certains auteurs sont des chamans, il en fait partie. À chaque fois que je l’ai joué son texte, l’écriture a rencontré de nouvelles réalités : la servitude au travail, le lien à la nature, ce champ immense où s’exerce la liberté du narrateur. Et même le pré-confinement dont Robinson, enfermé dans un cave où il rejoue inlassablement sa vie et délire sur le monde, est une sorte d’annonciateur.

 

© Victor Pascal

 

Le spectacle n’était-il pas aussi visionnaire quant à votre sonorisation, une pratique qui, en 1997, n’était pas la norme au théâtre ?
 

Il est vrai qu’à l’époque, le travail du son n’existait pas. Cette façon de l’envisager comme un justaucorps vocal, avec une voix spatialisée, ne se pratiquait pas. Aujourd’hui, le processus est digéré mais à l’époque, il était novateur. Ludovic Lagarde l’a inventé pour rendre compte de la multitude des voix déployées par le texte.
 

Ce spectacle a-t-il fabriqué l’acteur que vous êtes devenu ?

 

Je serais curieux de savoir l’acteur que je serais si je ne l’avais pas fait ! La rencontre avec l’écriture d’Olivier Cadiot m’a appris à parler sur un plateau. Celle avec la chorégraphe Odile Duboc m’a appris que j’avais un corps. Le travail sur le son a ouvert un spectre de jeu que je n’imaginais pas. Les libertés que je me permets aujourd’hui sur scène, je les dois à ce spectacle qui est un creuset. Pour nous tou·te·s, il a été fondateur.

 

Entre 2 reprises, oubliez-vous le Colonel des Zouaves ? Devez-vous le réapprendre ?
 

Moi qui ne garde pas les pièces en mémoire, je crois que je dirai celle-ci sur mon lit de mort !

 

— Propos recueillis par Joëlle Gayot, septembre 2020

Le Magazine du TNB

Entretien avec Laurent Poitrenaux, responsable pédagogique de l'École du TNB et comédien dans Le Colonel des Zouaves, présenté au TNB en octobre 2020. Un spectacle devenu culte depuis sa création en 1997 et qui a inauguré la collaboration artistique entre l'auteur Olivier Cadiot, le metteur en scène Ludovic Lagarde et le comédien Laurent Poitrenaux. 

 

À PROPOS DE "LE COLONEL DES ZOUAVES"

ENTRETIEN AVEC LAURENT POITRENAUX

Publié le 19/10/2020

Entretien avec Laurent Poitrenaux, responsable pédagogique de l'École du TNB et comédien dans Le Colonel des Zouaves, présenté au TNB en octobre 2020. Un spectacle devenu culte depuis sa création en 1997 et qui a inauguré la collaboration artistique entre l'auteur Olivier Cadiot, le metteur en scène Ludovic Lagarde et le comédien Laurent Poitrenaux. 

 

Revenir au Colonel des Zouaves, spectacle créé en 1997 et que vous reprenez régulièrement, est-ce une façon de sonder le comédien que vous êtes?

 

Oui ! Il est rare qu’un spectacle accompagne pendant 23 ans la vie d’un·e comédien·ne. Y revenir permet de se jauger, de savoir où on en est. A-t-on progressé ? Est-on plus à la peine ? Il y a des choses plus simples à jouer et d’autres qui se révèlent plus difficiles.


Qu’est-ce qui est plus difficile ?
 

À 30 ans (l’âge que j’avais à la création du spectacle), j’avais l’énergie pour porter ce spectacle intense, physique et dense. À 53 ans (mon âge actuel), la question de l’énergie, plus ou moins usée, se pose autrement. Je dois passer par d’autres chemins, par plus d’intériorité.

 

Et le plus simple ?
 

C’est le fait d’avoir fait, refait, mâché et remâché le texte. J’en suis à environ 160 représentations. Si j’ajoute les italiennes, c’est un texte que j’ai dû dire, au minimum, 500 fois. Grâce à ce rabâchage (au bon sens du terme) je suis dans la fluidité. Je surfe sur les mots, ils m’appartiennent. Sans compter que certaines thématiques me paraissent plus évidentes. Ce que je comprenais intellectuellement à 30 ans, je l’appréhende désormais dans ma chair.

« Je serais curieux de savoir l’acteur que je serais si je ne l’avais pas fait ! »

La relation du héros Robinson à la nature sonne-t-elle, aussi, différemment ?
 

Olivier Cadiot est notre contemporain. Certains auteurs sont des chamans, il en fait partie. À chaque fois que je l’ai joué son texte, l’écriture a rencontré de nouvelles réalités : la servitude au travail, le lien à la nature, ce champ immense où s’exerce la liberté du narrateur. Et même le pré-confinement dont Robinson, enfermé dans un cave où il rejoue inlassablement sa vie et délire sur le monde, est une sorte d’annonciateur.

 

© Victor Pascal

 

Le spectacle n’était-il pas aussi visionnaire quant à votre sonorisation, une pratique qui, en 1997, n’était pas la norme au théâtre ?
 

Il est vrai qu’à l’époque, le travail du son n’existait pas. Cette façon de l’envisager comme un justaucorps vocal, avec une voix spatialisée, ne se pratiquait pas. Aujourd’hui, le processus est digéré mais à l’époque, il était novateur. Ludovic Lagarde l’a inventé pour rendre compte de la multitude des voix déployées par le texte.
 

Ce spectacle a-t-il fabriqué l’acteur que vous êtes devenu ?

 

Je serais curieux de savoir l’acteur que je serais si je ne l’avais pas fait ! La rencontre avec l’écriture d’Olivier Cadiot m’a appris à parler sur un plateau. Celle avec la chorégraphe Odile Duboc m’a appris que j’avais un corps. Le travail sur le son a ouvert un spectre de jeu que je n’imaginais pas. Les libertés que je me permets aujourd’hui sur scène, je les dois à ce spectacle qui est un creuset. Pour nous tou·te·s, il a été fondateur.

 

Entre 2 reprises, oubliez-vous le Colonel des Zouaves ? Devez-vous le réapprendre ?
 

Moi qui ne garde pas les pièces en mémoire, je crois que je dirai celle-ci sur mon lit de mort !

 

— Propos recueillis par Joëlle Gayot, septembre 2020

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