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LE MOMENT ADÈLE HAENEL. ESSAI D'HISTOIRE IMMÉDIATE

Publié le 10/02/2020

10/02/2020

Après chaque Rencontrer l'Histoire, Joëlle Gayot – journaliste et collaboratrice du TNB – échange avec Patrick Boucheron sur sa performance passée. En découle alors un court résumé ainsi qu'un podcast, à découvrir sur le Magazine du TNB.

Le 7 février 2020, Patrick Boucheron est venu au TNB, pour une quatrième intervention dans le cadre de son rendez-vous mensuel avec le public : Rencontrer l’Histoire.

« Je dois réfléchir au temps qui cisaille un avant et un après. »

 

LE MOMENT ADÈLE HAENEL. ESSAI D'HISTOIRE IMMÉDIATE

Parce que le temps qui cisaille l’avant et l’après cisaille aussi les certitudes, ce jour-là, Patrick Boucheron, assis seul derrière une table sur laquelle il avait placé quelques livres, a parlé sans note. Et sans note, au fil d’une parole dubitative, interrogative, expectative, il s’est enfoncé dans la forêt profonde du doute.


Ce qui a provoqué en lui le trouble (trouble perceptible par l’assistance), trouble l’amenant à reconsidérer ses acquis et conforts de pensée, porte le nom d’une comédienne : Adèle Haenel. Comme beaucoup d’entre nous, Patrick Boucheron avait regardé l’intervention de l’actrice sur la chaîne Mediapart. Elle venait témoigner de violences subies. Un cinéaste, Christophe Ruggia, l’avait harcelée sexuellement alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Devenue une artiste adulte (et « puissante » ajoutait-elle aux micros de Mediapart), elle pouvait nommer, décrire, dénoncer. Et s’insurger contre un système qui autorise les hommes à abuser de leur pouvoir.


Que dire que faire que penser après ça ? Ce « ça » scandé par Adèle Haenel tout au long de sa prise de parole, ce « ça », a précisé l’historien, qui « dit la vérité ». Que dire que faire que penser après le « trouble Polanski », après l’affaire Gabriel Matzneff, romancier pédophile, piégé dans les plis du récit de sa victime, Vanessa Springora ? Que dire que faire que penser quand, de tous côtés, la parole prise par les femmes bouleverse les équilibres et fait acte politique, quand, de toute évidence, selon Patrick Boucheron, cette « Révolution des femmes libère le monde » Ni plus ni moins.


À tout le moins, il y a lieu de s’interroger, ce qui veut dire consentir à se dire concernés, prendre sa part d’une responsabilité collective. C’est ce qu’a fait Patrick Boucheron, en refusant de s’abstraire du débat et en parlant sans note, avançant sur le fil de questions dont on ne pouvait jamais anticiper les réponses.

« Le temps qui passe ne nous exonère de rien. »

Ainsi il a tracé dans la forêt profonde du doute, se confrontant sans se dérober à chaque obstacle qui se présentait : l’œuvre et l’artiste, la censure, la morale, le renoncement, le sacrifice, l’arrogance du créateur et celle de l’intellectuel, la perte nécessaire, le chagrin qui s’en suit, le pouvoir de la violence et la violence du pouvoir. Il a conclu son intervention par un entre-deux étonnant entre soulagement et regret, comme si cette 4e conférence, prise dans la cisaille d’un avant et d’un après, était une parenthèse mal refermée, vouée à se rouvrir sans tarder. Ce qui arrivera. Parce que c’est évident, la cascade de paroles des femmes condamne cette parenthèse à se rouvrir sous peu.


– Joëlle Gayot

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LE MOMENT ADÈLE HAENEL. ESSAI D'HISTOIRE IMMÉDIATE

10/02/2020

Après chaque Rencontrer l'Histoire, Joëlle Gayot – journaliste et collaboratrice du TNB – échange avec Patrick Boucheron sur sa performance passée. En découle alors un court résumé ainsi qu'un podcast, à découvrir sur le Magazine du TNB.

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LE MOMENT ADÈLE HAENEL. ESSAI D'HISTOIRE IMMÉDIATE

Publié le 10/02/2020

10/02/2020

Après chaque Rencontrer l'Histoire, Joëlle Gayot – journaliste et collaboratrice du TNB – échange avec Patrick Boucheron sur sa performance passée. En découle alors un court résumé ainsi qu'un podcast, à découvrir sur le Magazine du TNB.

Le 7 février 2020, Patrick Boucheron est venu au TNB, pour une quatrième intervention dans le cadre de son rendez-vous mensuel avec le public : Rencontrer l’Histoire.

« Je dois réfléchir au temps qui cisaille un avant et un après. »

 

LE MOMENT ADÈLE HAENEL. ESSAI D'HISTOIRE IMMÉDIATE

Parce que le temps qui cisaille l’avant et l’après cisaille aussi les certitudes, ce jour-là, Patrick Boucheron, assis seul derrière une table sur laquelle il avait placé quelques livres, a parlé sans note. Et sans note, au fil d’une parole dubitative, interrogative, expectative, il s’est enfoncé dans la forêt profonde du doute.


Ce qui a provoqué en lui le trouble (trouble perceptible par l’assistance), trouble l’amenant à reconsidérer ses acquis et conforts de pensée, porte le nom d’une comédienne : Adèle Haenel. Comme beaucoup d’entre nous, Patrick Boucheron avait regardé l’intervention de l’actrice sur la chaîne Mediapart. Elle venait témoigner de violences subies. Un cinéaste, Christophe Ruggia, l’avait harcelée sexuellement alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Devenue une artiste adulte (et « puissante » ajoutait-elle aux micros de Mediapart), elle pouvait nommer, décrire, dénoncer. Et s’insurger contre un système qui autorise les hommes à abuser de leur pouvoir.


Que dire que faire que penser après ça ? Ce « ça » scandé par Adèle Haenel tout au long de sa prise de parole, ce « ça », a précisé l’historien, qui « dit la vérité ». Que dire que faire que penser après le « trouble Polanski », après l’affaire Gabriel Matzneff, romancier pédophile, piégé dans les plis du récit de sa victime, Vanessa Springora ? Que dire que faire que penser quand, de tous côtés, la parole prise par les femmes bouleverse les équilibres et fait acte politique, quand, de toute évidence, selon Patrick Boucheron, cette « Révolution des femmes libère le monde » Ni plus ni moins.


À tout le moins, il y a lieu de s’interroger, ce qui veut dire consentir à se dire concernés, prendre sa part d’une responsabilité collective. C’est ce qu’a fait Patrick Boucheron, en refusant de s’abstraire du débat et en parlant sans note, avançant sur le fil de questions dont on ne pouvait jamais anticiper les réponses.

« Le temps qui passe ne nous exonère de rien. »

Ainsi il a tracé dans la forêt profonde du doute, se confrontant sans se dérober à chaque obstacle qui se présentait : l’œuvre et l’artiste, la censure, la morale, le renoncement, le sacrifice, l’arrogance du créateur et celle de l’intellectuel, la perte nécessaire, le chagrin qui s’en suit, le pouvoir de la violence et la violence du pouvoir. Il a conclu son intervention par un entre-deux étonnant entre soulagement et regret, comme si cette 4e conférence, prise dans la cisaille d’un avant et d’un après, était une parenthèse mal refermée, vouée à se rouvrir sans tarder. Ce qui arrivera. Parce que c’est évident, la cascade de paroles des femmes condamne cette parenthèse à se rouvrir sous peu.


– Joëlle Gayot

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